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La vie rêvée des grille-pain: un tour de grande roue

La vie rêvée des grille-pain

Heather O’Neill, ça vous dit quelque chose? Si vous êtes anglophone, probablement, et si vous êtes francophone, probablement… pas encore! L’auteure montréalaise a été nominée deux fois pour le prix Giller, dont une pour la version originale de ce livre, Daydreams of Angels. En français, on ne pouvait trouver que La balade de Baby dans une décevante traduction à la française d’une histoire qui se déroule à Montréal.

Je salue donc la traduction de Dominique Fortier pour La vie rêvée des grille-pain et les éditions Alto qui permettront de faire connaître cette écrivaine dans sa propre province.

La vie rêvée des grille-pain rassemble une quinzaine de courtes histoires qui partent dans plusieurs sens. Pour vous donner une idée, Heather O’Neill peut nous raconter la vie d’enfants résilients qui rappellent l’attachante Baby de Lullabies for Little Criminals ou l’histoire d’un robot qui trouve l’affection dont il rêve en enlaçant le fil d’un grille-pain dans un dépotoir. Ce qui lie le tout, c’est le talent de l’auteure pour raconter. Elle peut partir de n’importe quoi et quand même nous entraîner dans son histoire.

L’auteure se donne une liberté qui m’a donné l’impression de faire un tour de grande roue. D’une histoire à l’autre, elle ne se confine pas au réalisme. En tant que lecteurs, on est habitués, presque systématiquement, à lire «ce qui se peut», alors que la littérature est un endroit de tous les possibles.

Heather O’Neill s’est éclatée en écrivant, en se permettant d’explorer des avenues de la fiction. Les désirs imaginaires des enfants se réalisent tout naturellement: la neige qui tombe devient chaude puis les flocons se changent en guimauves. Ma conscience d’adulte lit avec un cœur d’enfant l’histoire d’un soldat espion tué qui se fait réparer par un fabricant de jouets. Des automates ressemblent à s’y méprendre aux humains, mais on les reconnaît parce que ce sont eux qui sont arrêtés à regarder les étoiles qu’ils voient mieux que nous.

Il y a quelque chose de l’enfance dans la sensibilité évoquée dans les différentes histoires, mais pas l’enfance idéalisée par l’adulte. On y retrouve plutôt de façon réaliste ce que perçoit un enfant: des merveilles autant que des difficultés, qui nous imprègnent ensuite pour le reste de notre vie.

Oui, il y a des détails surprenants par leur imaginaire, mais ils sont ancrés dans un univers émotif connu. Les histoires font vibrer notre sensibilité, certaines plus que d’autres, notre compassion aussi, mais jamais notre pitié. Heather O’Neill fait adroitement ressortir la complexité des émotions.

On ouvre La vie rêvée des grille-pain si on a envie d’explorer «ce qui se peut»… dans la fiction.

 

  • Auteure: Heather O’Neill
  • Nombre de pages: 396 pages
  • Date de parution: 2017 pour la traduction française
  • Éditeur: Alto

Crédit photo : Karine Fortin

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