Sophie est belle, jeune, enthousiaste. La tête bien posée sur les épaules, cette blonde pétillante déborde de vie. Passionnée par le jeu, elle sait ce qu’elle veut : être comédienne. Depuis toujours, c’est un objectif certain, un projet bien ancré dans sa vie. Élevée dans une famille aimante et ouverte, Sophie a tout pour réussir.
Je danse sur les rythmes d’une musique pop branchée dans cette atmosphère de folie et de liberté. Une belle grande blonde comme moi se fait instantanément remarquer par les serpents de la place, mais, moi, je ne me laisse pas envenimer facilement. J’ai plutôt besoin de sentir les pulsions de la passion pour me donner complètement. J’ai de l’appétit pour l’ardeur des béguins, le feu, les flammes périlleuses. (p. 17)
À 18 ans, Sophie rencontre Monsieur M., un homme charismatique, mystérieux, passionné, gentil, amoureux. M. est un peu jaloux, mais il l’aime tant. M. est un peu protecteur, parfois contrôlant, mais si beau et si doux. Chaque jour est une découverte, une aventure, un voyage dans l’inconnu d’un amour fou.
Main dans la main, osmose de nos chairs. M m’attire vers les étoiles. La terrasse est si haut perchée sur cet immeuble interminable que les astres semblent parmi nous. Il m’enlace. Ce qu’elle est douce, sa peau! (p.19)
Tranquillement, entre compliments et dénigrements, entre douceurs et manipulations, M. développe autour de Sophie une toile de manipulation et de mensonges qui la plongera dans les ténèbres de la violence, l’isolant de sa famille et de ses amis, rendant toute échappatoire mortelle, quasi-impossible.
Tu sais Sophie, chaque histoire de violence conjugale commence par une histoire d’amour. (Extrait de la série à venir sur le livre)
Cette descente aux enfers entre insultes, coups, viols, ruptures et promesses de lendemains plus heureux, entre l’Afrique et le Québec, dans une prison de honte, c’est la descente aux enfers d’Ingrid Falaise, aujourd’hui porte-parole de SOS Violence conjugale. Dans Le monstre (2015, Libre Expression), elle raconte comment elle a aimé un homme jusqu’au bout de ce que l’amour a de plus moche, quand il se transforme pour ne devenir que contrôle et destruction.
Ce que nous offre Ingrid Falaise avec ce récit, c’est un témoignage d’une grande force et d’une terrible fragilité. Se mettant complètement à nue dans sa plus grande vulnérabilité, elle nous montre que la violence n’arrive pas au premier rendez-vous, qu’elle s’installe de manière insidieuse, progressive, sous les yeux impuissants des proches, avec force d’excuses et de justification, entre pardons grandiloquents et doutes constants. Ce que Falaise réussit sans faille, aussi, c’est nous faire comprendre que personne n’est à l’abri d’être berné(e) par la personne aimée. Triste constat? Oui et non, car c’est en lisant son histoire qu’on apprendra à être à l’affut, à garder contact avec cette amie qui s’éloigne, avec celle qui a changé, celle qui ne sort plus, celle qui a toujours une excuse… Et à l’affut aussi de ceux qui contrôlent, qui manipulent, et qui sous couvert de blagues et d’attentions, brisent des vies dans le confort des foyers de nos aimés.
Ceci est mon histoire. Non celle d’une lointaine étrangère, ni celle d’une femme d’ailleurs. C’est la mienne, mais également celle de votre sœur, de votre fille, de votre amoureuse, de votre amie et peut-être la vôtre. (p.15)
- Titre : Le monstre
- Auteure : Ingrid Falaise
- Nombre de pages : 340 pages
- Date de parution : 2015
- Éditeur : Libre Expression
- Provenance du livre : librairie d’occasion L’Échange, sur Mont-Royal
Crédit photo : Annick Lavogiez