David Goudreault, ce slameur poète, rabouteux de mots, accordeur de phrases, dont j’ai vu récemment l’inspirant spectacle Au bout de ta langue, affirme qu’il faut tapisser la ville et sa vie de poésie. À l’instar de plusieurs, la poésie m’a toujours fait peur la trouvant bien souvent trop hermétique, ténébreuse, centrée sur la nature et l’amour. Et pourtant, j’aime les mots à m’en fendre les yeux. J’ai laissé la petite fille et ses peurs du noir dans l’ascenseur et j’ai aspiré la poésie de Chauffer le dehors, dernier recueil de Marie-Andrée Gill, présentée par son éditeur comme l’icône de la poésie autochtone québécoise contemporaine. Je ne commence donc pas ma carrière de lectrice de poésie par du Kiri Cola!
L’amour c’est une forêt vierge
pis une coupe à blanc
dans la même phrase» (Chauffer le dehors, p.11)
La nature et l’amour dans une même phrase, mais je n’ai pas peur. Je suis littéralement subjuguée par tant de justesse, de beauté. J’aurais aimé être celle qui joint tous ces mots pour créer cette image si forte. Et il y en a plusieurs des vers-chocs dans ce recueil qui se lit d’un seul souffle pour en capter tous les effluves. C’est qu’ils goûtent le miel, ces poèmes, et qu’on s’en tartinerait un pain baguette complet pour que perdure la douceur enveloppante dans laquelle ils nous jettent. L’histoire que nous raconte Gill est celle d’une femme qui tente de saisir les contours d’un amour devenu impossible sur fond de sapinage et de fuel. Et ça marche! On pense à tous ceux qui nous ont aimés et à tous ceux qui nous ont rejetés et on a un peu mal en même temps.
J’espère qu’il y aura tout le temps
une craque dans la porte
un petit jour
entre les lignes de notre histoire
Mais là j’avoue
j’aimerais troquer mon cœur
pour la simplicité d’un bol
de macaroni aux saucisses (Chauffer le dehors, p.18)
David Goudreaut affirme qu’« un bon livre, c’est une fuite qui vous enracine » (Revue Les Libraires, numéro 109, p.82). Je rêve d’épinette et de Kraft diner.
- Auteur : Marie-Andrée Gill
- Nombre de pages : 112 pages
- Date de parution : février 2019
- Éditeur : La Peuplade
Crédit photo : Karine Villeneuve