Madeline Thien est une figure de proue de la culture canado-asiatique, connue beaucoup plus qu’à l’intérieur de sa Colombie-Britannique natale. L’auteure a été récompensée par le prix littéraire du Gouverneur Général et par le prix Scotiabank Giller pour son roman Nous qui n’étions rien, qui vient tout juste d’être traduit en français par Catherine Leroux chez Alto.
L’histoire suit Marie, une Sino-Canadienne de Vancouver, lorsque sa famille accueille une jeune réfugiée, Ai-Ming, ayant fui la Chine maoïste de Deng Xiaoping après les violentes manifestations de la place Tian’anmen. Marie étant déconnectée du pays de ses parents, elle fait face à l’incompréhension de la situation politique et culturelle de la Chine. Elle tentera alors de reconstituer son histoire familiale et celle de Ai-Ming via ce qu’elle appelle le livre des traces.
Par la quête familiale de Marie, on assiste à la fois à l’histoire de la révolution culturelle chinoise et à l’éveil de l’héroïne pour la patrie de ses parents. Comme Marie a vécu toute sa vie à Vancouver, elle tente de s’enraciner pour la première fois dans la terre de la Chine via les récits de sa nouvelle amie. L’identité de la fille d’immigrante devient une deuxième histoire parallèle à la première et plonge le lecteur dans des réflexions complexes pour lesquelles les réponses n’aboutissent pas toujours à ce qu’on désirerait.
Les lecteurs adeptes de littérature asiatique savent déjà que les romans regorgent toujours d’imagerie à la fois onirique et poétique et Nous qui n’étions rien respecte cette impressionnante tradition. La plupart des personnages possèdent des surnoms, tout comme les lieux et certains objets. De plus, on mélange souvent réalité et fiction, histoire et légende, vérité et impression. Le roman est un amalgame de perceptions qui nous permettent d’avoir un angle différent sur beaucoup d’enjeux historiques à grande échelle, comme les manifestations démocratiques de la fin des années 80 et aussi à petite échelle, comme l’histoire d’une famille éclatée s’étant retrouvée dans un pays de l’autre côté de l’océan.
Finalement, le style de Madeleine Thien, tout en étant ancré dans le réalisme de la littérature nord-américaine, s’envole et se mélange constamment avec l’imagination orientale et devient un tout extrêmement bien balancé. Nous qui n’étions rien est une œuvre complexe, mais tellement bien écrite qu’on peut se laisser guider sans avoir peur de se perdre.
- Autrice : Madeleine Thien
- Éditions : Alto
- Date de parution : 15 octobre 2018
- ISBN : 9782896943302
Crédit photo : Patrice Sirois