Lorsque Julien Daigneault, étudiant en médecine, se fait larguer par sa blonde juste avant leur mariage, il décide de faire son stage loin de Montréal, à Mort-Terrain au plus profond de l’Abitibi. Rapidement il fait la connaissance de personnages hauts en couleur comme le représentant syndical Stéphane Bureau et Ti-Nouche, le sympathique garagiste. À l’hôtel du village, lieu de rencontre par excellence, il se lie d’amitié avec Jim, un métis résident sur la réserve algonquine de Mézézak, qui aux dires des Morterrons, est le seul indien qui sait boire.
Julien découvre la difficulté de cohabitation entre blancs et amérindiens. Il tente de se rapprocher des deux communautés alléguant qu’il est le médecin de tout le monde. Il découvre les problèmes sociaux que l’on retrouve couramment dans ces régions : chômage chez une bonne partie de la population blanche, malnutrition et problèmes de santé causés par la pauvreté chez les Amérindiens.
Dans une langue crue et directe Biz décrit parfaitement les aspects politiques, économiques et sociaux d’un village abandonné par une compagnie minière, ne laissant derrière elle qu’un trou et un déménagement forcé de la communauté algonquine. Lorsque la compagnie « Windigo Minning » annonce des investissements massifs pour extraire des milliards de dollars dans une nouvelle mine d’or à Mort-Terrain certains y voient une chance de travail inespérée, alors que d’autres craignent les conséquences qu’entraînent de telles opérations. Délocalisation, saccage environnemental, santé publique menacée à cause entre autre de l’utilisation de cyanure dans les moyens de production, tous ces fléaux guettent le village et la réserve selon les détracteurs du projet. C’est la position des représentants de Mézézak. Julien devra choisir son camp.
Biz fait habilement basculer le roman vers le fantastique et l’horreur en introduisant lentement des scènes qui s’éloignent du monde réel. Ainsi lorsque le jeune Morterrons Kevin se met à crier un nom qui sonne comme Indigo, Jim est terrorisé. Il raconte alors à Julien la légende du Windigo; esprit maléfique dans la culture amérindienne qui s’empare de la raison des hommes en leur donnant le goût du sang. Plusieurs habitants commencent à avoir des comportements inquiétants et les crimes s’accumulent. La compagnie minière rencontre les habitants du village et de la réserve afin de vendre le projet dans une opération charme. John Smith représentant de la minière est décrit comme un être qui semble avoir un goût particulier pour la chair, se nourrissant exclusivement de viande. Pas difficile de faire le lien entre la légende et l’appétit de la minière. Biz fait état d’un débat récurrent entre développeurs de projets économiques et protecteurs de l’environnement. C’est un roman à la fois instructif, captivant et très agréable à lire.
Mort-Terrain s’est mérité le Prix Littéraire France-Québec en 2015.
- Auteur : Biz
- Nombre de pages : 235
- Date de parution : 2014
- Éditeur : LEMÉAC
Crédit photo : Françoise Conea