La maternité, sujet éculé, voire saturé, s’il en est un. Le commentaire ne vient pas de moi, mais d’une amie de l’auteure qui lui envoie spontanément: « Ça fait que t’écris un livre sur la maternité? C’est pas le sujet le plus éculé qui soit, ça? » Ouch! Pas de quoi rassurer une auteure de nature plutôt anxieuse sur son entreprise périlleuse! Pourtant, sortir des sentiers battus, rejeter les lieux communs et les idées reçues, voilà la proposition que nous fait Fanny Britt dans son essai Les tranchées – Maternité, ambiguïté, féminisme, en fragments paru en 2013. Étant moi-même une jeune maman (bon, OK, pas si jeune que ça…) lasse du discours ambiant sur la maternité, la proposition était alléchante. D’autant plus que, tout comme bien des mères je suppose, incluant l’auteure (de son propre aveu), je ne me reconnais pas dans les images unidimensionnelles et polarisées des mères telles qu’elles sont souvent véhiculées par les réseaux sociaux et autres médias.
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En fait, ce que Fanny Britt nous propose, c’est surtout d’aborder la maternité sous plusieurs angles, avec nuances et surtout sans jugement. Il n’est pas question ici de stratégies éducatives ou de trucs infaillibles de survie (si une telle chose existe), mais bien d’accueillir les réflexions sur la place de la maternité dans la vie des femmes et ce que cet état provoque en elles. En prenant la parole elle-même ou en laissant libre cours aux propos assumés de ses collaboratrices (mères et non-mères), l’auteure nous plonge dans les zones d’ombre de la maternité, sans s’esquiver. Malgré tout, l’impression générale n’en est pas une de lourdeur, mais plutôt de profondeur. À coup de courts récits, de réflexions, d’entrevues ou d’historiettes, le lecteur est transporté au coeur des tabous liés à la maternité. L’infertilité, la perte d’une enfant, les jugements portés sur les mères (sur leurs choix, leurs actes, leurs corps), la fine ligne qui sépare les moments de grâce des moments de désespoir sont autant de sujets faisant l’objet d’analyse ou de discussion entre collaboratrices. Il serait facile ici de basculer vers la psychologie de comptoir, ce que l’auteure évite habilement en donnant d’abord la parole aux femmes en tant qu’expertes de leurs propres expériences, de leurs réalités (prendre note ici du pluriel utilisé sciemment). Elle y insuffle une dose d’humour, d’autodérision, de sensibilité, de révolte, de poésie même, ce qui amène un équilibre dans cet essai qui peine parfois à trouver son fil conducteur et qui peut donner l’impression de tirer dans tous les sens.
Mais qu’en est-il de la place du féminisme dans cet essai? On le sent parfois en filigrane, parfois abordé de front, mais définitivement présent tout au long. « Qu’est-ce qu’une mère féministe? » La question est adressée à une collaboratrice qui adopte un air perplexe avant de tenter un fragment de réponse. On peut être d’accord ou non avec les arguments avancés, mais on ne peut que ressentir respect et admiration envers ces femmes libres qui vivent leur maternité comme elles l’entendent, qui assument leurs contradictions et leurs paradoxes, qui ne cherchent pas la perfection, mais la cohérence avec elles-mêmes. N’est-ce pas là la clé de la satisfaction dans la maternité? Bref, le tout me semble d’une pertinence et d’une nécessité incontestable pour notre temps.
- Auteure: Fanny Britt
- Éditeur: Atelier 10
- Date de parution: 18 novembre 2013
- Nombre de pages: 108 pages
- ISBN: 9782924275092
Crédit photo : Marie-Hélène Legault