Léméac publie cet hiver deux romans mettant en scène des femmes qui témoignent de la violence dont elles ont été prisonnières pour des raisons et dans des contextes différents. Violence physique, psychologique, pression sociale et dureté envers soi-même, elles explorent leurs résistances et leur survivance. Retour sur ces récits faits de résiliences et de douleurs.
Celle qui ne craint pas la joie
Danielle Fournier
Danielle Fournier écrit la longue lettre d’une femme blessée à l’homme qui a tenté de la détruire. Revisitant leur histoire à travers les mots mal échangés, la culpabilité et les violences, elle évoque ses lentes retrouvailles avec la vie : sa vie.
Si je vous écris ce matin, vous qui ne l’êtes plus et qui n’avez désormais aucun nom, c’est que j’ai choisi de vivre et, par conséquent, de vous laisser derrière moi, non pour un temps indéfini, mais un temps fini.
– p. 7.
Une lettre haletante, dont on a envie de scander les mots à voix haute, pour les faire résonner, comme pour redonner vie à toutes celles qui chuchotent, qui n’osent pas, qui pleurent.
- Maison d’édition : Léméac
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 109
Je suis le courant la vase
Marie-Hélène Larochelle
À Toronto, une nageuse expérimentée se bat contre les vagues sous le regard de celui qui ne la voit pas, mais l’emprisonne par sa présence. Entre performance sportive et désirs amoureux, toute violence brûle le corps de la jeune femme, détruisant petit à petit tout ce qu’elle est, ce qu’elle aurait pu être.
Mon corps se crispe, appréhende le froid. Quand l’effort se déclenche, mon organisme se révolte, refuse encore de s’adapter. Pourtant, comme les autres je dis que j’ai appris à nager avant de marcher. L’eau comme élément naturel, propos de nageurs qui se confortent à surjouer leur exceptionnalité. La vérité c’est plutôt que nous sommes une bande d’inadaptés que le rivage a crachés, dont la terre ne veut pas, qui se débattent pour performer dans ce milieu hostile. On s’est pris d’affection pour notre enfer.
— p. 13.
On sort de ce récit percutant légèrement abimé, comme si on avait un peu coulé avec la narratrice, prisonnier d’une vague et opprimé par des regards et une présence néfaste. Un léger goût mi-amer nous reste en bouche : est-il possible de survivre ?
- Maison d’édition : Léméac
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 163
Crédit photo : Annick Lavogiez