Je me sentais profondément privilégiée de m’entretenir avec Mustapha Fahmi. Comme je le mentionne dans mon article portant sur son essai La leçon de Rosalinde, les questionnements qu’a suscité la lecture de cet ouvrage m’ont profondément marqués et continueront à m’habiter, j’en suis persuadée, pendant longtemps. Avoir la chance d’en discuter brièvement avec lui constituait la consécration d’un vieux rêve que j’entretiens depuis toujours : rencontrer l’un.e de mes auteur.e.s préféré.e.s !
À la lecture de son essai, j’ai vraiment eu l’impression de lire un carnet de réflexion et de pensées, le type de carnet de l’on trimballe sur soi en permanence pour y noter ses réflexions et idées. Est-ce le cas, réellement ? Comment s’est produit la rédaction de ce court et brillant essai ? Mustapha Fahmi m’a partagé son désir de publier un court ouvrage accessible à tous et toutes. Non pas qu’il considère que les gens ne sont pas assez « intelligents » pour lire ses autres ouvrages, plus académiques. Au contraire. « C’est notamment pour laisser place aux réflexions des lecteurs et lectrices, leur laisser libre cours à la réflexion et au dialogue », m’a confié M. Fahmi. Pour témoigner, aussi, de l’importance du silence, pour permettre aux gens de profiter de ce silence. Pour créer un dialogue, pur et profond, entre lui et le lecteur, la lectrice. Ce dialogue est justement fondamental pour Fahmi. Un dialogue qui doit prendre la place du respect en tant que valeur fondamentale dans notre société. Un dialogue profond, sincère. Il me dira que, selon lui, « le seul véritable engagement, c’est l’engagement envers l’humain ».
J’ai senti, tout au long de notre discussion, l’amour profond et la passion que ce spécialiste de renommée internationale a pour Shakespeare. Né dans un environnement familial où la littérature prenait peu sinon pas de place, c’est à 14 ans que Fahmi a découvert la plume de Shakespeare, grâce à une traduction arabe de Macbeth trouvée par hasard. Quelques années plus tard, il se promènera avec un t-shirt de Shakespeare dans les rues de Casablanca. Outre le dramaturge anglais, Nietzsche et Dostoïevski ont également profondément marqué son parcours et univers tant académique que personnel. Je n’ai pas pu m’en empêcher : je l’ai questionné sur la très faible mention d’auteures femmes dans son ouvrage. Il m’a alors confié que les personnages de femmes sont fondamentaux tant pour lui que pour son ouvrage : c’est pour cette raison qu’il a choisi Rosalinde en tant que titre de son essai. C’est aussi pour cette raison qu’il a dédié ce livre à sa mère et qu’il y mentionne des personnages fondateurs et fondamentaux telles que Shéhérazade et Cléopâtre.
Questions en rafales
Quel livre figure sur votre table de chevet en ce moment ?
L’orpheline de visage, Yvon Paré, Éditions De la pleine lune
Votre dernière découverte littéraire ?
Le dernier chalet, Yvon Rivard, Éditions Lemeac
Un auteur incontournable à découvrir ou redécouvrir ?
William Shakespeare
Un.e auteur.e que vous n’avez pas apprécié à la première lecture, mais adoré à la deuxième ?
George Elliot, puisque je n’étais pas assez mature pour apprécier son génie. Maintenant, elle est pour moi l’une des plus grandes.
Heidegger. À la première lecture, je n’y ai rien compris et j’ai cru qu’il cherchait à n’être pas compris. Puis, ce fût une révélation et il constitue désormais, pour moi, un incontournable. On se doit de lire Heidegger.
Pour un.e nouvel.le arrivant.e au Québec, quel auteur ou/et livre à lui suggériez-vous pour découvrir la littérature québécoise ?
Gaston Miron
Quels sont, pour vous, les cinq plus grands romans de tous les temps ?
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Anna Karénine, Tolstoï
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Don Quichotte, Miguel de Cervantes
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À la recherche du temps perdu, Marcel Proust
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Middlemarch, George Elliot
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Crime et Châtiment, Dostoïevski
Crédit photo : Sophie Gagnon-Bergeron