Eduardo Sangarcía est un auteur mexicain ayant remporté le prestigieux prix Mauricio-Achar pour Anna Thalberg, son premier roman. Cet hiver, La Peuplade nous offre la traduction francophone par Marianne Millon.
Anna Thalberg est une jeune femme pratiquement sans histoire habitant la ville allemande de Wurtzbourg à la fin du Moyen-Âge. Elle se fait pourtant arrêter par un après-midi pour sorcellerie. Alors qu’elle tient tête à son bourreau, et ce, même sous la torture et les interrogatoires perdus d’avance, on assiste également à la quête de son mari, Klaus, pour la faire libérer.
La première chose à savoir sur ce premier roman de Sangarcía est qu’il n’est pas écrit dans un style conventionnel. En effet, l’auteur ne fait pratiquement pas de phrase, il jette tous les mots en urgence dans une mitraille d’idées. Parfois, on assiste même à une conversation où Anna et le curé du village parlent en même temps. Cette atmosphère surchargée peut nous serrer à la gorge, mais c’est justement ça l’idée. Comment ne pas se sentir envahi par la panique lorsqu’on se fait arrêter pour un crime dont il est impossible de prouver son innocence? À cet égard, le style unique de l’auteur est une réussite.
Le tout se déroule évidemment sous fond de chasse aux sorcières, une tragédie difficile à s’imaginer aujourd’hui. Pourtant, l’auteur fait son possible pour montrer que l’emprise du christianisme est aisément capable de convaincre n’importe quel examinateur comme Melchior Vogel que le Diable peut se trouver partout. La paranoïa des personnages qui ne veulent qu’aider leur communauté, le désespoir du mari impuissant et l’audace d’une défense malgré une innocence évidente créent un univers kafkaïen dans lequel on se demande qui est le véritable diable dans toute cette histoire.
Anna Thalberg est un roman avec lequel Eduardo Sangarcía réussit très bien à démontrer tout le danger lié à des croyances trop profondes. C’est avec un style unique qu’il parvient à créer un ouvrage quelque part entre le thriller et le récit poétique.
- Auteur : Eduardo Sangarcía (traduction de Marianne Millon)
- Éditions : La peuplade
- Parution : 17 janvier 2023
- Pages : 168 pages
Crédit photo: Patrice Sirois