Ta-Nehisi Coates est un écrivain américain, correspondant au journal The Atlantic, où il couvre entre autres les questions sociales liées aux violences raciales. Formidable conteur, intellectuel possédant une vision historique et politique rigoureuse, il interroge la société américaine sur l’horreur du racisme systémique qui sévit dans son pays. Il écrit donc à son fils Samori la difficulté pour les noirs de vivre aux États-Unis. Pour ce faire, il raconte sa propre histoire. Il relate son enfance et son adolescence dans West Baltimore. Comment son père le battait à coup de ceinture en disant : « ou bien c’est moi qui te bat ou bien se sera la police. » Il apprend aussi la violence de la rue; violence pour laquelle ni l’école ni la religion ne semblent apporter de réponses satisfaisantes. Jeune, il apprend donc à protéger son corps. La destruction du corps noir est d’ailleurs l’une des idées qu’il met de l’avant et développera tout au long du livre. Pour Coates, le rêve américain s’est construit sur la destruction, le viol et le pillage du corps noir. Il ressent ce qu’il appelle : « la peur de perdre son corps » et cette peur, il la voit dans sa famille et dans l’ensemble de la communauté noire.
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Politiquement, le peuple américain se définit comme blanc; Coates dit qu’il se rêve comme étant blanc. Avant de se définir comme tel, ce peuple était catholique, juif, corse, gallois ou autre. Ce n’est donc pas la différence raciale qui fait naître le racisme, mais bien le racisme qui définit la race. Le racisme s’impose alors dans la société comme une loi naturelle. On finit par l’admettre culturellement, on le banalise.
Le père poursuit son récit en l’amenant vers la prise de conscience politique et la découverte des livres. Le grand-père de Samori travaillait à l’université Howard comme bibliothécaire au Centre de recherche Moorland-Spingarn, qui abritait l’une des plus grandes collections africaines du monde. Il avait aussi été chef local des Black Panthers. Ta-Nihisi y découvre alors un discours engagé dans lequel il se reconnait. Lui-même ira étudier à l’université Howard qu’il surnomme « La Mecque ». Cette université de Washington est reconnue pour accueillir un très fort pourcentage d’élèves issus de la population noire. Chez Coates, c’est la révélation. Tous ces corps noirs réunis sur le Yard de l’université, leur diversité de provenance, la qualité de l’enseignement, la proximité avec le pouvoir fédéral autant qu’avec le pouvoir noir, toutes les nouvelles liaisons d’amitié et bien sûr la découverte de l’amour (il y rencontre la mère de Samori), font de « La Mecque » un lieu sacré où il célèbre la beauté de la vie et de la lutte raciale. Son cerveau, son esprit et son corps sont en ébullition. Un de ses camarades universitaires sera tué plus tard, froidement, sans explication, comme cela arrive trop souvent dans l’Amérique des Rêveurs comme le dit Coates.
Ce livre d’une grande qualité littéraire est indispensable pour comprendre la réalité et la profondeur du racisme organisé et étendu à l’ensemble de la société américaine. Une lecture éclairante et nécessaire.
- Titre : Une colère NOIRE : Lettre à mon fils/ Between the world and me, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thomas Chaumont
- Auteur : Ta-Nehisi Coates
- Nombre de pages : 202 pages
- Date de parution : 2016
- Éditeur : autrement
- ISBN : 9782746743410
- Provenance : Bibliothèque Saul Bellow
Crédit photo : Richard Martel