J’aime ce temps suspendu entre deux lectures, ce temps où je poursuis en quelque sorte ma propre lecture du roman terminé. J’ai l’impression de mieux lire quand je me permets ce temps d’attente, ce temps de réflexion. Il m’est arrivé de me lover dans les mots d’un.e autre sans même avoir pris une respiration après le dernier point lu. Je peux être cette fille insatiable qui se glisse d’une couverture à l’autre sans même regarder en arrière. Telle une boulimique de l’amour des mots, j’engouffre de peur de me retrouver sans mots à me mettre sous les yeux. Suis-je malade docteur? Il existe possiblement une pathologie aux consonances latines composée de mots à pentures pour expliquer ma déviance.
En ce début d’année bourrée de résolutions, j’ai donc choisi de faire de la place à la femme mature en moi et j’ai laissé le temps s’égrener après ma lecture du très goûteux roman de Marie-Renée Lavoie intitulé Les chars meurent aussi. Force est de constater que mon enthousiasme ne s’est pas estompé entre deux bouchées d’atoca, il s’est même embrasé. Et pourtant, mes attentes étaient élevées considérant que ce dernier opus de l’autrice était avantageusement comparé par plusieurs à son premier ouvrage La petite et le vieux dont je m’étais délectée.
Il est vrai que les deux histoires sont tricotées à partir de la même laine : douce, bienveillante et drôle. Dans Les chars meurent aussi, nous suivons Laurie qui entre dans la vie adulte accompagnée de sa candeur, de son courage, de sa force de caractère, de sa résilience et de tous ces autres personnages qui gravitent autour d’elle et qui l’aiment. Elle vivra des expériences propres à son âge, soit la recherche d’un emploi, l’amitié, la découverte de l’amour, les relations familiales et le besoin d’aider son prochain. Sous l’acuité du regard de Lavoie, ces expériences sont riches, magnifiées et tellement intéressantes à lire. Bien plus qu’un roman d’apprentissage, il s’agit d’une ode à la vie, au courage de choisir la bonté et de rejeter les jugements. Marie-Renée Lavoie aime incontestablement ses personnages et leur donne vie grâce à une écriture fluide, riche et empreinte de tendresse. La relation mère- fille y est à l’avant-plan et dans les mots de Lavoie, ça semble être ce qu’il y a de plus beau et de plus précieux au monde :
Elle (la mère) me pardonnait d’emblée tout ce que je n’étais pas et ne serais jamais; dans le miroir déformant de son cœur, j’avais tout réussi sans avoir tenté quoi que ce soit. (p.8)
Si un jour, une de mes filles me désigne en ces termes, j’aurai, moi aussi, réussi quelque chose.
- Titre : Les chars meurent aussi
- Autrice : Marie-Renée Lavoie
- Nombre de pages : 256 pages
- Date de parution : octobre 2018
- Éditeur : XYZ éditeur
Crédit photo : Karine Villeneuve