Tout le monde change

Publié le 21 février 2023

*** Coup de coeur ***

« Qui a le droit de changer et à qui appartiennent les changements qui sont remarqués ou valorisés? » (p. 60) C’est quoi, être soi-même ? Être authentique ? Qu’est-ce que cela implique, changer ? Pourquoi le changement est-il parfois si prisé, parfois si craint? C’est à toutes ces questions et bien d’autres que s’intéresse Vivek Shraya dans Tout le monde change qui paraît aujourd’hui même aux éditions Québec Amérique. Et quelle merveille que cet essai que la musicienne, autrice, interprète, artiste, mannequin et professeure, Vivek Shraya, nous offre!

Et si nous nous débarrassions de la pression liée au désir d’incarner notre soi idéal ? Et si nous cessions de nous servir de l’inaccessibilité de notre soi idéal pour nous réprimander? Et si nous concentrions à la place sur la création d’expériences idéales chaque jour?
– p. 87

Avec talent, honnêteté, clairvoyance et intelligence, elle aborde les multiples facettes du changement et les moultes contradictions qui nous habitent quand on s’y attelle. Depuis l’adolescence et le maquillage jusqu’à la transition, en passant par l’apparence physique, les évolutions spirituelles, les amitiés, les amours et notre rapport à la vieillesse, elle s’interroge sur les changements qu’on accepte, qu’on oblige ou au contraire qu’on renie, chez soi comme chez les autres.

À partir d’exemples de sa propre vie qui ne peuvent que résonner avec les lecteurices, elle dresse une réflexion ô combien pertinente sur notre rapport au changement en tant que société et individus. La force de Vivek Shraya, c’est non seulement la pertinence de ses idées et la simplicité avec laquelle elle écrit, mais aussi et surtout sa capacité à offrir un essai terriblement intime, qui résonne de manière universelle. Tout ce qu’elle écrit, alors que c’est si propre à ses expériences, réveille en nous des sentiments, émotions, vécus, questionnements similaires. On se sent proche de l’autrice, comme une vieille amie.

Mourir jeune est irrévocablement une tragédie sans véritable considération pour la façon avec laquelle cette vie a été vécue. Plus de temps est investi ou écoulé, plus la valeur est élevée.

Que gagne-t-on à prioriser l’endurance à défaut de l’exploration ? La légitimité? La capacité de revendiquer l’authenticité? Pourquoi l’exploration est-elle si souvent synonyme de frivolité, de taponnage, d’indécision, d’une incapacité à s’investir, d’instabilité, ou d’une crise existentielle, et que l’endurance n’est-elle jamais synonyme de complaisance ou de stagnation?
– p. 72

J’ai particulièrement apprécié sa réflexion sur les amitiés et relations amoureuses, les injonctions à les faire durer et la tension de ne pas savoir comment y grandir, ses propositions de repenser le fait d’être soi-même de façon plurielle, d’accepter nos mois passés imparfaits, de réfléchir à l’idée d’authenticité. Et j’ai tout autant apprécié que, loin de nous forcer à quoi que ce soit, elle nous pose une tonne de questions qui bouleversent, bousculent, fascinent.

Un essai percutant à lire et à relire!