Essai Littérature féministe Nouveauté

Thelma, Louise & moi

Ce livre est à l’image d’un métier à tisser, des dizaines de fils tendus, rendus indémaillables par le geste infiniment répété qui consiste à les rassembler. Chacun des fils participe au motif, aucun d’entre eux ne respire seul, à la manière de ce qui se passe ici lorsque je tire les fils de mon imaginaire pour les relier, et qu’à la fin surgit une forme dont le dessin permet de retracer un chemin, de l’inventer à rebours. Ce livre est aussi à l’image d’une carte, bien sûr, topographie du monde réel mise à plat par un ensemble de lignes qui s’entrecroisent et proposent des directions. Des lignes que mon corps anime en circulant dans l’espace, sans que coïncident vraiment mon mouvement et les marques sur le papier. L’imagine et la vie ne s’épouseront jamais parfaitement. Il leur reste, au moins, de pouvoir s’embrasser.

– p. 211

Ouvrage brillant, touchant, fort et bouleversant, Thelma, Louise & moi est un essai-confession. Martine Delvaux y aborde tant le film Thelma et Louise que son scénario, des anecdotes sur le tournage, sur les actrices, la réalisatrice, l’équipe de tournage. Elle aborde aussi son propre vécu, au fil des années où le film l’a accompagné, de sa jeunesse en voyage jusqu’à nos jours, pendant l’écriture même de ce texte. Les échos entre le réel et la fiction sont nombreux et c’est ce qui fait la qualité de ce texte : on est suspendu constamment entre le film, la lecture personnelle de Delvaux du film, son vécu et son processus d’écriture.

J’écris en même temps que je visionne le film. J’écris sur la vie et sur l’écriture, en même temps que je raconte le film, me demandant dans quelle mesure on peut réécrire un film, comment on peut lire un film comme si on l,écrivait, et l,écrire comme si on le filmait à nouveau.. Il y a mon écran devant moi, et sur l’écran il y a mes mots, et à côté de mes mots, en plus petit, il y a une autre fenêtre, la fenêtre du film.

– p. 83

Martine Delvaux écrit, quelque part dans ce livre, qu’elle ne pleure pas vraiment en lisant des livres, mais plutôt en regardant des films. Eh bien, moi, j’ai pleuré en lisant cet essai. J’ai eu des frissons, souvent, et finalement les larmes ont coulé. Je ne sais pas ce qui m’a fait craquer : le ton intimiste, qui donne l’impression d’être aux côtés de l’autrice pendant son processus d’écriture ; le contenu, touchant, qui porte autant sur l’amitié que sur la complexité d’être une femme, entre libérations et oppressions ; ou encore la description de cette violence des hommes qui n’en finit plus de nous écorcher. Ce qui est sûr, c’est que je suis sortie chamboulée de cette lecture, et qu’elle m’a accompagné plusieurs journées après l’avoir finie.

Je vous la recommande chaudement.


  • Autrice : Martine Delvaux
  • Maison d’édition : Heliotrope
  • Date de parution : 2021 (première édition 2018)
  • Nombre de pages : 236

Crédit photo : Annick Lavogiez

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