Presque vierge

Publié le 3 décembre 2024

Dans ce récit cru, Josée Blanchette, journaliste et chroniqueuse pour Le Devoir, raconte sa relation avec son prof d’antiphilosophie au cégep alors qu’elle n’avait que 15 ans. En effet, celle-ci, vive et allumée, a “sauté” deux années de scolarité, se retrouvant ainsi la plus jeune de sa cohorte. L’adolescente rebelle et ultra brillante a soif de vivre, commencera une imposante correspondance avec R., cet enseignant que tous les étudiant.e.s adulent. Rapidement, la relation prof-étudiante devient sexuelle :

– As-tu déjà fait l’amour?
Je lui réponds d’un air détaché, pour nous rassurer tous les deux.
– Oui une fois…
Une fois…Il n’a même pas à additionner les rivaux. Il peut déjà s’imaginer le Kama sutra en classe affaires.

Ce sera le début d’une longue relation jusqu’à ses 18 ans avec un homme qui a presque le triple de son âge. Plus la relation dure, moins ils se cachent et les parents de Josée Blanchette finissent même par l’accepter et les inviter au dernier Noel du couple.

Même si plusieurs amies, ses parents tentent de lui faire voir qu’il lui vole sa jeunesse, qu’il l’emprisonne dans une vie d’adulte. Elle va vivre un moment avec R. et son fils en bas âge, elle cuisine, elle lui fait faire ses devoirs, se présente même au psychologue de l’enfant. La jeune adolescente ne voit pas clair, il l’aime et c’est tout ce qui compte. De plus, il sait utiliser les mots qu’elle a besoin d’entendre. Manon, sa confidente, l’écoute sans la juger même si elle la prévient. Plusieurs décennies plus tard, R. est accusé d’agression sexuelle sur des jeunes adolescentes qu’il hébergeait comme famille d’accueil, c’est un choc et un réveil brutal pour Josée Blanchette maintenant adulte qui a un fils de 15 ans. Elle décide ainsi de raconter leur histoire, elle dit qu’elle le doit à l’adolescente qu’elle était, mais elle a besoin de raconter pour pouvoir se défaire de celui-ci qui signait toujours fou.

Presque vierge est un récit brutal, les mœurs ont changé, mais c’est incroyable tout de même de constater que cela a pu se passer il n’y a pas si longtemps. Ces relations entre homme mûr et Lolita ont longtemps fait fantasmer les artistes et ces hommes, souvent en position d’autorité, en ont profiter. Le récit agrémenté des lettres de R. à sa Jo, Jolaine, Jaybee ou Tibiche donnent vraiment un coup au lecteurice qui se sent, à un certain moment, presque complice de cette relation malsaine. On voudrait pouvoir brasser Josée, faire rencontrer R., mais où sont la direction du cégep, les collègues ? Tout de même, on apprécie l’honnêteté de la journaliste et on lui souhaite d’avoir pu tourner la page.

Une lecture troublante, mais nécessaire.