J’ai eu la chance de me plonger dans trois ouvrages, dont deux essais, récemment publiés chez Mémoire d’encrier. Des lectures qui m’ont touchée, poussée à me questionner souvent et surtout inspirée à poursuivre mon éducation sur des sujets importants : la réconciliation avec les Premières Nations, le racisme, le colonialisme et surtout, le vivre-ensemble.
Uiesh, Quelque part
Le premier livre est ce superbe recueil de poèmes de Joséphine Bacon, lauréat 2019 du Prix des libraires du Québec. Je connaissais déjà cette autrice, mais après avoir visionné le documentaire Je m’appelle humain, j’ai vraiment eu envie de me replonger dans un de ses ouvrages (les autres s’en viennent). Joséphine Bacon a l’art de nous parler, de nous toucher par ses mots simples, mais si importants pour qu’on puisse comprendre l’étendue des dommages fait par le colonialisme aux Premières Nations. Avec un savant mélange d’éléments culturels, reliés à la nature, à l’histoire, elle nous transmet une partie de son histoire, de leur histoire d’un côté en français et de l’autre en innu-aimun. On a beau ne pas comprendre cette langue, elle parvient à nous émouvoir.
Mon rire meurt
Éclats de silence
La douleur crache
Retour de la conscience
Mon âge s’inquiète du pardon
– p.42
Nipapun nipimakan
Apu tshekuan petakuak
Akuitishun shashtiku
Kau takuan mitunenitshikan
Eshpitishian nikushpaneniten kashinamatun
- Autrice : Joséphine Bacon
- Maison d’éditions : Mémoire d’encrier
- Parution : 2018
- Nombre de pages : 121
Tisser
Tisser est un essai écrit par Jean-Luc Raharimanana, Malgache, vivant aujourd’hui en France. Dans cet ouvrage, il réfléchit aux moyens de re-tisser l’humanité, les différentes cultures. Il porte aussi un regard sur le passé, le colonialisme, les stéréotypes, le racisme passé et actuel. Il nous fait réfléchir à travers un récit narré par un fœtus avorté qui sera à la fois ancêtre et dans le monde actuel. Celui-ci utilisera les mythes anciens pour tenter de réconcilier les deux mondes.
La sensation de l’exil ou de l’en-dehors est bien la preuve de la nécessité de l’entier. Nul ne se conçoit dans la solitude et dans le vide. Chacun est un espace qui se vit, qui se sent, qui se partage. Chacun est en tous, et tous sont en chacun. Quelque part responsable. Quelque part dépendant. Quelque part épanouissant. Quelque part mortifiant.
– p.16
Bien que je me sois parfois perdue dans l’excentricité du récit ou par manque de connaissances sur les mythes malgaches, cet ouvrage est rempli de perles, de phrases à réfléchir, à digérer. Cet essai m’a donné envie d’aller plus loin dans mes discussions avec mon entourage, mais m’a aussi redonné confiance en l’avenir, une sorte de «je pense qu’on peut y arriver ».
Madagascar est un composant de plusieurs cultures : une fibre vient d’Afrique du Sud, une autre d’Inde, d’Europe […] On ne sait pas d’où on vient réellement. Tisser c’est cela à mon sens : admettre que tous les points du monde ont convergé pour faire notre propre tissu, notre culture.
- Auteur : Jean-Luc Raharimanana
- Maison d’éditions : Mémoire d’encrier
- Parution : février 2021
- Nombre de pages : 92
Blanche
Un autre essai qui m’a vraiment accroché est Blanche par Catherine Blondeau. Cette dernière raconte son parcours, la réalisation qu’elle est blanche dans le regard des autres, qu’elle le restera toujours bien « qu’on ne saurait réduire un être humain à sa couleur de peau ». Un récit certainement important bien que souvent dérangeant. La lecture de l’ouvrage se fait pourtant aisément puisque divisé en courts chapitres qui nous permet de respirer, de réfléchir avant de poursuivre. J’ai apprécié l’intertextualité, les ouvrages essentiels qu’elle cite feront partie, à coup sûr, de mes prochaines lectures. J’ai beau avoir lu Aimé Césaire et Toni Morrison, je suis ignorante quant à Sony Labou Tansi ou Frantz Fanon. Je pense qu’elle contribue à nous sensibiliser à l’importance d’avoir une bibliothèque diversifiée. J’ai aimé aussi l’honnêteté, la vulnérabilité dans laquelle se met l’autrice en nous partageant ses aventures, ses pensées sur une panoplie de sujets liés au post-colonialisme, au racisme, à l’auto-détermination des peuples.
La biologie et la génétique historique sont formelles : de toutes les espèces humaines ayant peuplé la Terre depuis l’apparition de la vie, Homo Sapiens est la seule survivante. Une seule espèce, un seul génome, une origine africaine commune, un même destin sur une planète finie.
Il n’y a pas de races humaines.
Il n’y a que des êtres humains.
– p.13
Catherine Blondeau finit par un conseil que je vais tâcher d’appliquer : et si on se taisait et qu’on écoutait ?
- Autrice : Catherine Blondeau
- Maison d’édition : Mémoire d’encrier
- Parution : janvier 2021
- Nombre de pages : 237
Crédit photo : Valérie Ouellet