Hekla Gottskalksdottir quitte la campagne islandaise pour aller vivre à Reykjavik, où elle s’installe pour écrire. Pour vivre, elle se fait embaucher comme serveuse à l’hôtel Borg, où elle essuie du revers de la main les avances des clients et leurs invitations trop insistantes de participer au concours de beauté Miss Islande. À travers les refus répétés de Hekla se devine un message clair : tout comme le volcan dont elle porte le nom, il n’est pas question pour elle de rester en dormance et de s’effacer, elle et ses ambitions, au profit des hommes et de leur idée de la femme, jolie, mais silencieuse épouse et soumise.
Hekla n’est pas la seule à vouloir se libérer d’un carcan social aussi rigide que les glaces de cette Islande des années 1960. Ísey, mariée et mère, qui tente tant bien que mal de poursuivre son propre rêve littéraire; Jon John, qui s’est fait marin dans une tentative désespérée de quitter une terre natale hostile à ceux de son orientation sexuelle; Starkadur, jeune poète idéaliste qui rêve de vivre de sa plume dans un pays ne comptant qu’une centaine de milliers d’habitants : tous peinent à faire survivre des rêves à contre-courant de leur société et de leur époque.
Ces personnages vivent un quotidien solitaire à travers lequel se dessine un imaginaire proprement islandais : des campagnes enneigées, une capitale aux rues désertes et glacées, des journées de longues heures de noirceur ou de trop grande clarté, et, à l’horizon, les volutes d’une irruption volcanique. On le retrouve aussi dans la chaleur du café, l’odeur de l’aiglefin emballé dans le papier journal et le goût des pommes de terre bouillies, omniprésents remèdes contre la rudesse du climat, de la vie de tous les jours.
Pour le lecteur québécois habitué aux troubles hivernaux, c’est une atmosphère qui allie familiarité et singularité, et qui nous transporte à l’extérieur de notre propre conception de la nordicité. Le tout nous est présenté dans un style presque cinématographique. Les chapitres agissent comme des scènes, et la narration nous offre peu d’indices sur l’intériorité du personnage principal, seulement ses réactions, ses paroles, comme on les verrait à l’écran.
Ce dernier roman d’Auður Ava Ólafsdóttir transporte un message universel, un désir d’échapper aux attentes, au sentiment de stagnation d’une jeunesse qui rêve plus grand que l’île qui l’a vue naître.
Miss Islande a remporté le Prix Médicis 2019.
- Auteure : Auður Ava Ólafsdóttir
- Éditions : Zulma
- Parution : Septembre 2019
- Nombre de pages : 288
Crédit photo : Laurence Gagnon