En été 2016 est paru aux Éditions Mécanique générale Les trois carrés de chocolat de Mélodie Vachon Boucher. Cet ouvrage graphique est, à mon avis, un véritable bijou. Il n’est pas facile d’aborder le thème des violences sexuelles, mais l’auteure y arrive ici avec brio. C’est avec des mots justes que Mélodie Vachon Boucher traite de ce sujet avec sensibilité. Nul besoin de choquer le lecteur avec des descriptions longues et crues, les quelques mots qui accompagnent les illustrations disent tout et sont suffisants pour faire passer le message. Elle arrive ainsi à transmettre simplement l’émotion du personnage, sa détresse, son incompréhension, sa douleur et finalement l’éternelle bataille qu’elle devra mener contre les séquelles laissées par ces terribles expériences.
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J’ai été particulièrement touchée et émue par cette histoire qui prouve qu’une agression sexuelle n’est pas nécessairement un viol commis par un inconnu dans une ruelle sombre en pleine nuit. L’agression sexuelle peut aussi être perpétrée par un proche, un conjoint, un ami. L’agression sexuelle inclut ces moments où, par peur d’une agression plus violente, la victime se tait, fige et évite de se défendre ou de contrarier son agresseur. Je crois que là est l’une des pires formes d’agression, car la victime ne se voit pas comme telle, mais en garde tout de même des séquelles. Elle finit souvent par se détester elle-même, ne comprenant pas ses futures réactions face à sa sexualité. Elle a souvent honte, ne parle pas de son expérience et finalement se sent coupable et responsable de son sort. Mélodie Vachon Boucher arrive à nous faire comprendre tout ça en quelques pages, avec peu de mots et des dessins épurés, mais lourds de sens.
En effet, chaque texte est accompagné d’un dessin à la hauteur du talent de l’artiste, qui a choisi une façon originale et surtout tellement réussie de transposer visuellement son histoire. Sur ce point, voici ce qu’elle a répondu lorsque je lui ai demandé comment lui était venue l’idée d’utiliser de jolis verres pour illustrer les émotions de son personnage :
Avant de faire la version de l’histoire qui a été publiée, j’avais commencé à dessiner des scènes de ce récit de façon plus figurative et je n’étais pas à l’aise avec ce que ça donnait. Je n’avais pas envie de revivre ces scènes-là en passant de une à deux heures à travailler sur chaque page et je n’avais pas non plus envie de faire subir ça au lecteur. Je trouvais ça inutile, contre-productif, et à la limite, un peu indécent. J’ai mis de côté le projet le temps de trouver une meilleure idée. L’idée des verres et des fils (tout le monde dit des pailles mais en vrai, c’est des fils, ha ha!) est arrivée toute seule quand il est venu le temps d’écrire le livre et je l’ai adoptée parce que je trouvais que ça convenait parfaitement. Je voulais que ce soit dépouillé. Comme je le dis plus haut, je ne voulais pas violenter le lecteur avec du contenu trop graphique, mais je voulais quand même l’ébranler, le déstabiliser. Il y a une grande partie de la violence contenue dans l’acte du viol qui réside dans le fait que c’est une situation simple, nue, fragile, vulnérable. Quand on voit combien il est difficile de se faire entendre et soutenir en tant que victime après une agression sexuelle, on comprend que pour la société, l’agression sexuelle, c’est finalement le simple vol d’une toute petite chose invisible. Mon choix pour la métaphore visuelle avec les verres a donc été vraiment instinctif mais je suis heureuse de voir que mon livre arrive à remettre en question cette conception du viol. Je ne suis pas certaine que ça aurait été aussi efficace si le récit avait été raconté autrement.
Bref, Les trois carrés de chocolat est un livre tout simplement utile qui gagnerait, selon moi, à être obligatoire dans le parcours scolaire de nos jeunes. En abordant ce sujet difficile avec simplicité et de façon accessible, cette lecture pourrait être une manière hautement efficace de les éduquer. Personnellement, je le garderai précieusement et je vous assure que mes enfants le liront !
Bien que ce soit son premier livre publié par une maison d’édition, Mélodie Vachon Boucher n’en est pas à sa première œuvre. Il est aussi possible de se procurer ses publications autoéditées, La Chamade (un recueil de cinq bandes dessinées) et Le meilleur a été découvert loin d’ici (un récit de voyage et de retraite silencieuse) à la librairie Port de tête et ailleurs (voir les points de vente ici ). Aussi, l’auteure travaille présentement à un nouvel ouvrage autoédité, Livre de peine. Pour l’encourager et lui permettre de mener son projet, vous pouvez contribuer à sa campagne de socio-financement ici.
- Auteure : Mélodie Vachon Boucher
- Éditeur : Mécanique Générale
- Date de parution : Août 2016
- Nombre de pages :
- ISBN : 9782922827811