Un recueil de nouvelles. Voilà comment Michael Delisle présente son Palais de la fatigue, qui pourrait aussi bien passer pour un roman, puisque les histoires qu’il nous livre parlent presque toutes de deux frères que peu de choses rattachent sauf leur enfance à Longueuil.
Lorsqu’on les découvre, à l’aube de l’adolescence, l’un se passionne pour la culture celte, l’autre pour l’écriture. Leur mère, plus préoccupée par son standing que ses responsabilités familiales, les laisse complètement à eux-mêmes, et ne remarquera le départ d’un de ses fils que quelques semaines après qu’il ait définitivement quitté le nid.
Sans éprouver de remords, le jeune homme se retrouvera rapidement une nouvelle vie, au cégep, grâce entre autres à son prof de poésie, qui deviendra son pourvoyeur et amant. Voilà donc la trame de ce livre qui entremêle savamment des thèmes comme la perte des valeurs familiales et la quête des racines.
Pour ne pas trop en dévoiler, je m’arrêterai ici. Non sans vous dire que ce livre compte parmi mes meilleures lectures de l’année. Si certains auteurs arrivent à capturer la beauté avec beaucoup de grâce, d’autres – comme Delisle – arrivent à rendre une banlieue morne avec autant de justesse qu’on en oublie sa banalité.
Pour vous en donner la mesure, voici un passage évocateur :
Les soirées avec mon frère avaient l’air réglées. Quand la faim se manifestait, j’allais le retrouver dans le smog de ses gauloises :
– On se fait-tu une omelette?
– Tente pas.
– Sandwiches?
Il bâillait et s’arrachait à son univers. Nous descendions pieds nus dans le shag rouille jusqu’à la salle à manger. Nous mangions nos sandwiches face à face.
– As-tu vu maman? Pouvait-il me demander la bouche pleine.
– Est chez le docteur.
Delisle, Le palais de la fatigue, p. 15
- Auteur : Michael Delisle
- Éditeur : Boréal
- Nombre de pages : 138 pages
- Année de parution : 2017
Crédit photo : Vicki Milot