Essayiste, poétesse et romancière, Dionne Brand est une autrice afro-canadienne d’envergure qui, sans contredit, gagne à être connue. Pour ma part, L’amour, à peu près, son dernier roman, fût une initiation à l’oeuvre de cette femme aux multiples talents. Domiciliée à Toronto, sa connaissance intime de la ville transparaît à un point tel que celle-ci y est présentée presque comme un personnage du livre à part entière. On y sent ses odeurs, on voit son architecture et on reconnait l’empreinte de ses différents quartiers. Ce roman possède définitivement une urbanité vibrante.
Par ailleurs, le style de l’auteur est plutôt contemplatif et son écriture poétique. Ici, il n’y a point de rebondissements soudains ou de trame narrative habilement enchevêtrée. Cette approche laisse toute la place à l’exploration en profondeur des relations et des sentiments humains.
On y retrouve June, une femme forte et fragile, intuitive et marginale. On aime son côté naïf et bohème, mais il nous exaspère à la fois. Sa relation amoureuse avec Sydney, empreinte de querelles à la fois banales et révélatrices du vide qui les sépare, dévoile la complexité de tisser des liens humains profonds, réciproques et durables. Deux vies en parallèle. Est-ce vraiment ça l’amour? Pour moi, L’amour, à peu près est une histoire sur les êtres humains qui se côtoient sans se connaître, qui se rapprochent sans connecter. C’est une incursion dans nos tentatives de développer et d’entretenir des relations avec des personnes choisies et d’autres qui nous sont imposées par la vie, au gré des liens familiaux ou des rencontres fortuites.
Autour de June gravitent un ensemble de personnages qui s’entrecroisent et enrichissent cette exploration. Les petits gestes du quotidien révèlent leurs angoisses et les fils ténus qui les rattachent les uns aux autres. Bref, on ne ressort pas de cette lecture transformé, mais ça nous amène définitivement à réfléchir sur la solidité et l’authenticité de nos liens sociaux.
* Ce livre a fait l’objet d’une discussion au club de lecture dont je fais partie. J’adresse un merci tout spécial aux participant.es. Vos réflexions ont alimenté les miennes, ce qui a définitivement enrichi cette critique.