Été 2010, Casablanca.
Jmiaa se voit contrainte d’accueillir une nouvelle femme chez elle. Halima est timide, réservée. Elle sort de prison et semble couverte de remords. Elle fait ses prières, suit Jmiaa au talon. C’est Houcine, le proxénète, qui l’a amenée. Jmiaa doit lui donner quelques trucs, les bases du métier de travailleuse du sexe. C’est que cette dernière est un peu la doyenne des femmes ; elle a plus de 15 années d’expérience dans sa poche. Elle en a vu de toutes les sortes, des hommes violents aux timides et honteux, en passant par ceux qui refusent de payer, ceux qui la traitent comme un déchet et ceux qui fuient leur femme et enfants. Elle en a vu des vertes et des pas mûres, des policiers corrompus aux coups bas des autres femmes. Elle continue d’avancer, en compagnie de sa fille, en cumulant l’alcool, les sorties et les cigarettes, sur les airs de Najat Aatabou.
Tout ça a commencé avec son mari, qui, pris avec des problèmes d’argent, de jeu et de consommation, a offert le corps de sa femme pour payer ses dettes. Et qui s’est enfui, par la suite, en Espagne. Et depuis, source d’indépendance, d’autonomie et de reprise de pouvoir, Jmiaa s’approprie son métier pour avancer, coûte que coûte, dans la vie. Et pense bien s’y retrouver, encore, pendant bien des années. Mais voilà que « Bouche de cheval », une Hollandaise d’origine marocaine, cherche à parler à l’une des travailleuses du sexe pour valider son synopsis de film. Elle prépare son premier long métrage qui met en scène une femme marocaine, si amoureuse d’un homme qu’elle se retrouve à voler une bijouterie et à planifier des projets d’avenir plus tumultueux les uns que les autres.
Et cette travailleuse du sexe, c’est Jmiaa.
Ces discussions changeront sa vie.
À la lecture de ce roman franc et impitoyable, impossible de ne pas penser à Much loved, le dernier film de Nabil Ayouch qui a fait scandale au Maroc en 2015. Un film qui met en scène des travailleuses du sexe fortes et indépendantes, mais aussi victimes de violences, de sexisme et de misogynie à Marrakech. Impossible de ne pas s’y référer, puisque tant l’un que l’autre offre des personnages fortes et puissantes, crues et vibrantes, qui portent en elles tant les blessures que les douleurs de leur société tout en s’émancipant, se construisant et avançant dans un monde qui les rejette. La vérité sort de la bouche du cheval est un roman sensible, puissant et révoltant qui deviendra, sans contredit, l’une des œuvres phares de la littérature marocaine et Meryem Alaoui, à l’instar de Leila Slimani, l’une de ses auteures à suivre et à découvrir.
- Meryem Alaoui
- Date de parution : 5 octobre 2018
- Éditions : Gallimard
- ISBN : 9782072777929
Crédit photo : Mylène de Repentigny-Corbeil