Lui, du haut de son trône (autrement dit sa chaise de cuirette stationnée dans le parking de l’immeuble à logements), passe ses journées à observer les passants et à siroter un nombre incalculable de bière cheap. Lorsqu’il la voit passer, il l’interpelle en disant « la petite ». Elle n’aime pas ça.
Elle, du haut de ses huit ans, trouve refuge dans son imaginaire, se prend pour un garçon et cherche le drame : le vrai. Celui qui fait perdre connaissance, celui qui met en danger la vie de la reine, celui qui lui permettra de se poser en héroïne ou plutôt en héro. Lorsqu’elle passe devant la chaise délabrée où trône l’homme saoul entouré de ses canettes vides, elle se dit « le vieux ».
Dans cette histoire qui se passe dans un quartier pauvre de Québec, en plein milieu des années 1980, se trouvent ces deux personnages qui apprendront à se connaître et développeront mutuellement une affection que l’on croit d’abord impossible.
Le tout est raconté à travers la narration de cette « petite » devenue grande, qui pose un regard sur ses états d’âme d’enfant, sur sa famille imparfaite et surtout sur son quartier.
Je me suis un peu reconnue dans cette enfant et c’est probablement ce qui m’a le plus touchée dans cette première œuvre de Marie-Renée Lavoie. Ce sentiment d’être plus vieille que ce que l’on est réellement et être sans cesse confronté à notre petitesse. Que ce soit par la façon de vivre ses émotions, d’avoir un impact sur notre entourage ou encore par la crédibilité défaillante que l’on a face aux adultes, la petite n’a pas d’autre choix que de remplir son unique rôle d’enfant. Pourtant, les désillusions sont de plus en plus nombreuses et ça aussi, je m’en souviens et je l’ai durement vécu.
Bref, ce roman m’a profondément parlé et a, pour la première fois, confirmé qu’étant enfant ou jeune adolescente, je n’étais pas bizarre mais plutôt normale.
Avec ce premier roman, Marie-Renée Lavoie a remporté le Grand Prix de la relève littéraire Archambault en 2011. Je remercie grandement mon cher libraire, Billy Robinson, pour cette suggestion lecture lors de notre entretien (lire l’entrevue ici). L’auteure a effectivement une magnifique plume. Alors que l’utilisation du joual québécois dans les dialogues m’agace habituellement dans les livres, ça n’a pas été le cas ici. Celui-ci est merveilleusement bien utilisé et transcrit, en doses équilibrées avec le reste de la narration.
Bref, c’est à mon tour maintenant de vous le suggérer.
Transformé en bouilloire sifflante par la contrariété, le ventripotent s’est empressé, pour autant que ce verbe puisse s’appliquer à l’accélération de ses mouvements, à rentrer chez lui pour ne rien faire du tout. Et attendre quelque chose. Parce qu’il finit toujours pas se passer quelque chose, même quand on ne fait rien. C’est une vieille loi sur laquelle reposent un nombre incalculable d’espoirs.
– Marie-Renée Lavoie, La petite et le vieux, p. 146-47.
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- Auteur : Marie-Renée Lavoie
- Nombre de pages : 240 pages
- Éditeur (date de parution): édition originale XYZ (2010), édition BQ (2012)
- ISBN : 978-2-89406-331-6
- Provenance : Acheté à la Librairie de Verdun, suggestion de Billy Robinson (voir article)
Crédit photo : Marie et Nastasia photographes
Billy Robinson: libraire - Page par Page
28 novembre 2016 à 8:03 pm[…] La petite et le vieux […]