J’avoue n’avoir jamais lu Yasmina Khadra avant la lecture de son dernier roman, Khalil. De cet auteur[1] algérien prolifique, je n’en connaissais que les titres de sa plus célèbre trilogie, Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad. Et pourtant, ce n’est pas faute d’intérêt ; j’ai vu ses romans sur toutes les étagères des librairies tant marocaines que françaises ou québécoises, figurant au premier plan des rayons de littérature maghrébine. Autrement dit, il était temps ! Et quel premier roman pour plonger dans l’écriture et les univers de Khadra !
Khalil débute un certain vendredi 13 novembre 2015 à Paris, date funestement ancrée dans les mémoires. Plusieurs attentats terroristes ont lieu dans la capitale française, blessant et tuant des centaines de personnes. Les tireurs et kamikazes sont de jeunes adultes radicalisés dans leurs quartiers pauvres de jeunesse. De deuxième génération d’immigration pour la plupart, réduits au pays d’origine de leurs parents. Souvent méprisés, marginalisés et discrédités, ils se sont construit une carapace et ont attrapé la main qui leur était tendue, la main qui allait les sauver et leur offrir la félicité, bien méritée.
C’est le cas de Khalil qui, accompagné de son meilleur ami Driss, a prévu faire exploser la ceinture qu’il porte à sa taille et atteindre le paradis tant promis. Mais rien ne se passe comme prévu… La ceinture n’explose pas et il se retrouve à déambuler à Paris, complètement perdu. Que s’est-il passé ? Où sont ses acolytes, les chefs de clan ? Que doit-il faire ? Continuer ? Survivre ? Préparer la suite ? Se fondre dans le décor ?
Avec Khalil, Khadra nous emporte dans la tête d’un kamikaze à l’aide d’une plume franche et directe, et des dialogues crus et vibrants. Avec sensibilité et lucidité, il nous dresse le portrait de réalités plurielles, de dérives raciales, d’injustices et de manipulations. Sans excuser, sans légitimer, ils nous proposent de s’attarder aux détails, de creuser. De tenter non pas de comprendre, mais d’expliquer. Et nous montre, brillamment, que tout ne tient parfois qu’à un fil…
Dans la même lignée que Mahi Binebine avec Les Étoiles de Sidi Moumen, Yasmina Khadra tente d’imaginer le pire et de construire un monde tristement et tragiquement d’actualité. À lire !
- Auteur : Khadra, Yasmina
- Date de parution : 2018
- Éditeur : Éditions Julliard
Crédit photo : Mylène de Repentigny-Corbeil
[1]Ne vous laissez pas berner par son prénom ; Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, a emprunté les noms de sa mère et de sa femme pour construire son pseudonyme.