Récemment, nous avons beaucoup entendu parler de La femme qui fuit, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, un roman d’exception. Mais qu’en est-il de son tout premier roman, Je voudrais qu’on m’efface?
Roxanne, étiquetée mésadaptée Socio-Affective vit avec une mère alcoolique, qui n’est pas là pour elle. Son père, également alcoolique, ne vit pas avec eux. Il aime sa petite fille et en est fier, mais ne sait simplement pas comment être père. Mélissa, un autre personnage de cette œuvre, se retrouve responsable de ses deux petits frères. La Cour décide que sa mère ne pourra plus s’approcher d’eux à plus de 50 mètres, tandis que son beau-père s’enfuit en pleine nuit pour ne plus jamais revenir. Kevin n’a que son père, son héros. Jusqu’au jour où cet homme devient un loser aux yeux du jeune garçon. Roxanne, Kevin et Mélissa ont douze ans et vivent dans le même immeuble à Hochelaga. Ce livre est l’histoire de trois jeunes qui n’ont pas le luxe de rêver à une vie meilleure et qui pourraient s’entraider, si seulement ils avaient appris à créer des liens. C’est aussi l’histoire de parents absents, qui voudraient en être de bons. Je voudrais qu’on m’efface raconte la vie de trois enfants qui ont grandi trop vite, car ils ne pouvaient faire autrement.
Il s’agit d’un roman touchant et bouleversant que j’ai adoré. Anaïs Barbeau-Lavalette nous propose une immersion dans la vie de jeunes enfants d’Hochelaga, qui n’ont d’autres choix que de vivre avec ce qu’ils ont. L’auteure nous amène dans ce quartier dans lequel elle s’implique depuis quelques années auprès des enfants écorchés par la vie. Elle nous raconte des vies fictives, pourtant si proche de la réalité. Des vies tristes autant pour les enfants que pour les parents. En lisant ce livre, je m’attendais à tenir rigueur aux parents pour la vie qu’ils font vivre à leurs enfants, mais j’en ai été incapable. Dans ce livre, on voit bien qu’ils ne sont pas capables de donner à leurs enfants ce qu’ils n’ont pas reçu : de l’amour, une vie équilibrée et de la sécurité. Tout ce qu’ils ont à offrir, bien malgré eux, c’est la même vie de misère qu’ils ont reçue en cadeau de leurs propres parents.
Qui est à blâmer? Cela fait nécessairement réfléchir, puisque l’écart entre la belle petite vie de bien des gens et celle de ces trois personnages est énorme. Un écart dont on ne parle pas assez, mais que cette brillante auteure dénonce très habilement.
Il s’agit d’un roman écrit d’une main de maitre ou se mêle de moments touchants, de la tristesse et de l’espoir. Pour ce premier roman, Anaïs Barbeau-Lavalette opte pour l’utilisation d’un vocabulaire québécois très familier. C’est d’après moi un plus pour l’histoire, puisque ce langage ajoute de l’authenticité à celle-ci. Malgré le vocabulaire qui démontre un manque d’éducation des personnages, l’auteure réussit à rendre le tout poétique en faisant de magnifiques métaphores et en ajoutant des fragments qui nous permettent de saisir des bribes de leurs vies. C’est sans aucun doute un petit chef-d’œuvre qui mérite d’être lu et relu.
Crédit Photo : Marie-Lou Myre