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Julien Castanié est originaire de France. Après des études à Tours, Paris et Strasbourg, il émigre au Québec. Depuis maintenant 10 ans, il a fait de Montréal son chez-soi. Après seulement deux ans dans la métropole, il est en mesure de vivre de son art : l’illustration. Il publie son premier livre comme illustrateur, L’atlas des inégalités, en 2009. Depuis, il a travaillé sur une quarantaine de livres en France, au Québec, mais aussi en Chine, en Espagne et même en Corée. Je me suis entretenue avec lui afin de discuter de son plus récent livre : Moi, c’est Tantale.
En quelques mots, de quoi parle le docu-fiction « Moi, c’est Tantale » ?
Moi, c’est Tantale est un livre écrit par André Marois et édité par les fabuleuses éditions de l’isatis.
Le livre raconte l’histoire du tantale, un métal rare, depuis son extraction en Afrique dans les mines par des enfants, sa transformation en composants électroniques en Chine, jusqu’aux poches de nos manteaux à Montréal dans lesquelles se trouvent nos téléphones qui en contiennent. Loin du discours culpabilisant habituel, ce livre entraîne une prise de conscience sur notre consommation à outrance et une réflexion sur la provenance des objets que nous utilisons chaque jour. Le tout avec une réelle volonté de donner des pistes de réflexions mais surtout d’actions.
Un livre comme celui-ci a dû demander un long travail de recherche de la part de l’auteur. Qu’en est-il du travail de l’illustrateur ?
Il a fallu que je plonge dans le sujet, que je lise les références de l’auteur, que je m’informe pour bien saisir les enjeux de ces thématiques. Ensuite, il faut trouver l’angle juste, faire et refaire, pour arriver à un résultat qui se tient sur toute la narration.
Comment se déroule la collaboration entre l’auteur, l’illustrateur et la maison d’édition ?
Généralement, la maison d’édition appelle un-e illustrateur-rice et demande si on est intéressé-e par le projet. Si on se projette dans le texte et qu’on s’accorde sur les conditions du contrat, on va de l’avant. Le plus souvent, le texte est déjà écrit. Les illustrations ne sont pas nécessairement des interprétations littérales du texte, les images peuvent venir en soutien, en complémentarité et parfois même en disjonction (le texte et l’image portent un discours autonome). Il y a parfois des ajustements à faire dans le texte ou dans l’image à la fin de la création pour garder une cohérence.
Qu’est-ce qui t’a amené à plonger dans un tel projet ?
J’ai été touché à la lecture du texte. Touché, car le texte s’adressait à moi. J’ai un téléphone. Je fais donc partie de ces engrenages complexes de conséquences. Cela a rejoint chez moi le désir de travailler sur des livres qui abordent des sujets nécessaires, qui abordent sans tabou notre époque, pour susciter des réflexions.
« Moi, c’est Tantale » propose une esthétique différente des illustrations auxquelles tu nous as habitués notamment avec « Plic, Ploc » (éditions Isatis) ou « Un pas puis mille » (La Pastèque). Qu’est-ce qui a motivé tes choix artistiques ?
J’essaye de toujours adapter mon style au contenu. Il y a eu des choix à faire sur la technique pour que les illustrations soient cohérentes avec le propos. La palette restreinte de couleurs permet d’aller à l’essentiel dans les images alors que le trait texturé du dessin est un rappel à la terre dont est issu le tantale.
On pourrait qualifier ce livre de coup de poing. On y parle d’environnement, mais également du travail des enfants. Les éditions Isatis semble prendre un tournant plus engagé. Y a-t-il des sujets que tu ne serais pas à l’aise d’aborder, d’illustrer, sachant que l’on s’adresse à des enfants ?
La collection Griff de chez Isatis porte des livres qui osent et je suis très fier d’en faire partie. On y retrouve les thématiques essentielles du féminisme, mais également de la santé mentale avec l’autrice Lucile de Pesloüan et Geneviève Darling.
Les sujets ne sont pas tant un problème, tout est dans la manière dont ont les aborde. Une des forces de la littérature est de confronter les enfants au monde à travers des récits qui leur font se poser des questions. Il faut trouver le subtil équilibre dans les questions qu’on pose entre le sujet et l’âge du lecteur à qui s’adresse l’ouvrage. La magie du livre, c’est aussi qu’il s’adresse à l’adulte qui en fait la lecture. Il y a souvent plusieurs niveaux de lecture dans une même histoire. C’est autant de clés pour créer des conversations.
En tant que président d’Illustration Québec, as-tu un message pour les apprentis illustrateurs ?
Illustration Québec est une association qui existe depuis 35 ans. Elle a pour mandat de soutenir et promouvoir les illustrateur-rice-s tout en faisant la promotion de l’illustration au Québec et à l’international.
Ce que je pourrais dire à la relève, c’est qu’illustrateur-rice est un métier, avec son code éthique, ses technicités (les droits d’auteurs), ses responsabilités (nous avons un devoir de banaliser les diversités de corps, de genres, de représenter les minorités…) et ses particularités. Une des meilleures façons de se professionnaliser, c’est de se regrouper et de discuter de tout cela. Nous organisons régulièrement à cet effet des 5@7 CHILLustration (annoncés sur notre page FB) pour s’informer et se former face aux défis de nos métiers.
Pour suivre son travail :
Portfolio et boutique en ligne : http://juliencastanie.com/
Instagram : @preums
Facebook : Julien Castanié illustration