L’autrice danoise avait déjà publié Agathe en 2019 chez La Peuplade, j’avais bien aimé ce huis clos se passant chez le psychanalyste fatigué qui est renversé par Agathe. Cette fois, Anne Cathrin Bomann récidive en allant plus loin et en joignant la réalité et la fiction avec En dehors de la gamme.
Dans ce nouvel opus, on y rencontre Élisabeth qui tente de survivre au deuil de son petit garçon Vinter, mort trop tôt. Même en donnant tous ses effets personnels et en verrouillant la porte de sa chambre, la maman ne réussit pas à surmonter cette tristesse et cette peine gigantesque. Travaillant pour une compagnie pharmaceutique danoise, elle s’emploiera nuit et jour à trouver un composé chimique afin d’aider les endeuillés à surmonter la perte d’un être cher. Sauf que le résultat devient vite plus important que le processus et alors que le médicament, la Callocaine, se rend à être testé sur des humains, un des psychologues-chercheurs a des doutes. Il semblerait que deux des sujets présentent une baisse d’empathie importante bien que les symptômes de deuil se sont atténués. Deux étudiantes, Shadi et Anna, avec lesquelles il travaille pour leur doctorat devront l’aider à prouver que les tests préliminaires ainsi que les résultats des études sur les humains ont été truqués, mais rien n’est joué, il faudra aller en dehors de la gamme. Sont-elles prêtes à s’allier et à enfreindre l’éthique et la confidentialité de l’étude pour prouver que quelque chose cloche ? Toutes deux très différentes tenteront de soutenir leur professeur dans ce qui s’avérera un duel dangereux contre une compagnie pharmaceutique prête à tout.
Ce livre est bien plus qu’un roman ou qu’un thriller, il nous amène dans des questionnements éthiques graves. Est-ce que le deuil est une maladie ? Si oui, est-ce qu’un médicament pourrait le traiter ? Pourquoi ne pas seulement aller en thérapie qui n’aura pas ou peu d’effets secondaires ? Sommes-nous dans une société qui ne souhaite pas prendre le temps de vivre ses émotions, qui préfère gober un médicament pour s’engourdir et continuer la routine ? Bref, vous comprenez. L’autrice réussit ce tour de force, c’est-à-dire à nous faire dévorer son livre comme un bon polar tout en poussant une réflexion profonde chez le lecteur. Ce livre aurait pu être lourd et moralisateur, mais il n’en est rien. J’en suis ressortie tout de même troublée après les notes de fin qui annonce que le Danemark a déjà statué et que le pays considère désormais le deuil comme une maladie. Est-ce vraiment ce que nous voulons ? En attendant, allez lire cette traduction, elle en vaut vraiment la peine.
- Autrice: Anne Cathrine Bomann
- Traductrices: Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
- Maison d’édition: La Peuplade
- Parution: 6 septembre 2023
- Nombre de pages: 408
Crédit photo: Valérie Ouellet