A priori, je dois avouer que c’était une lecture que j’attendais avec impatience. L’écriture de Kim Thuy est toujours, pour moi, quelque chose de magique, de rassurant, malgré des sujets souvent difficiles. Em n’y échappe pas. L’autrice a, pour ce récit, recueilli des témoignages de divers protagonistes de la guerre du Vietnam ou, pour les Vietnamiens, de la guerre américaine. Bien qu’elle nous avertisse dès le départ qu’il s’agit de bribes, d’une version d’une histoire, ça n’en est pas moins touchant, poignant, difficile à certains moments. L’histoire apprise est toujours celle des vainqueurs, Kim Thuy nous raconte celle des témoins impuissants, ces enfants nés de pères soldats, d’Occidentaux et de mères vietnamiennes, laissés pour compte et qui, pourtant, ont pu grâce à l’opération Frequent wind avoir une deuxième vie et surtout, se réinventer dans différents commerces qui se sont développés et multipliés.
Nous suivons donc au fil des pages, Alexandre, un propriétaire de plantation de hévéas au Vietnam, Mai, une de ses ouvrières et Tâm, leur enfant. Aussi, la nourrice de Tâm, le pilote qui la sauvera d’un massacre. Mme Naomi qui s’occupera d’un orphelinat où sont déposés tous ces enfants nés de la guerre. Puis, Louis, enfant sans nom, élevé par les abandonnés vivant dans la rue et aussi Em Hong, bébé rescapé par Louis lui-même qui deviendra Emma-Jade, adoptée par Howard et Anabelle. Le mélange de ces personnages, de leurs histoires nous permet de reconstituer des bribes de ce que ces années ont pu être : la guerre froide, l’exploitation des coolies, les massacres, la survie, les lueurs d’humanité, les expériences chimiques qui détruisent la nature et encore aujourd’hui tant de vies, l’immigration, l’essor commercial. Une phrase restera certainement longtemps avec moi : « Du pouvoir des femmes confronté à la peur des hommes résulte la mort, le fatal. »
Je vous recommande ce récit cousu de fils tantôt s’entremêlant, tantôt coupés, mais surtout témoins d’une histoire qui doit être lue.
- Autrice : Kim Thuy
- Titre : Em
- Date de parution : 2020
- Édition : Libre expression
- Nombre de pages : 149
Crédit photo : Valérie Ouellet
