Essai Nouveauté Quoi lire?

Écologie : une bataille sans fin

Jusqu’en 1980, pas moins de 90% des eaux usées étaient rejetées dans nos cours d’eau, dont 4000 tonnes de contaminants par année dans le lac St-Louis[1]. Cette statistique vous choque? Courez dès à présent vers votre librairie indépendante! Cet ouvrage sur le l’évolution du mouvement écologique québécois et la persistance des préoccupations quant à la protection de l’environnement est indubitablement une lecture incontournable.

L’auteur aborde notamment la Loi sur la qualité de l’environnement[2] (ci-après, « LQE »), adoptée par le gouvernement québécois en 1972. Cette loi est une avancée considérable en matière de protection de l’environnement, mais puisque relativement récente, son application est problématique face aux sites miniers contaminés et/ou abandonnés par exemple. Certains articles de la LQE présentent également une certaine ambiguïté, comme l’article 118.4 dont la formulation fait référence aux contaminants déjà rejetés et non sur ceux qui pourraient potentiellement l’être. Cela nous semble non seulement incohérent, mais entre en contradiction avec le principe de précaution abordé par l’auteur au même chapitre[3], puisque ce dernier vise la gestion d’un risque mal connu voire inconnu et à limiter les risques potentiels ou hypothétiques.

Alors que des élections provinciales québécoises se tiendront le 3 octobre prochain, c’est présentement la Coalition Avenir Québec (ci-après, « CAQ ») qui est en tête des sondages d’intention de vote (41%)[4]. Pourtant, lors de la dernière campagne électorale provinciale de 2018, c’est cette même formation politique qui a le moins parlé d’environnement. Un de ses projets phares énoncés en 2018 est d’ailleurs le controversé 3ème lien, qu’elle a qualifié de mégaprojet « gagnant pour l’environnement »[5]. Petit rappel amical que le nombre de voitures a cru de 123,9% depuis 1978 et que par conséquent, le secteur des transports au Québec est aujourd’hui responsable de 44,8% des émissions totales de gaz à effet de serre du Québec[6]. Or, de prétendre que la voiture électrique est à l’heure actuelle plus écologique que la voiture à essence est à notre avis irresponsable. En effet, en plus de ternir la nécessaire prise de conscience environnementale du/de la conducteur/trice, la fabrication de la voiture électrique tout comme sa durée de vie, le recyclage des batteries au lithium et son adaptation aux saisons et conditions de route du Québec posent problème.

Pour rebondir sur un autre sujet traité dans l’ouvrage, le gouvernement du Québec se vantait en décembre dernier d’avoir atteint son objectif de protéger 17% du territoire québécois. Quoiqu’il s’agit d’une bonne nouvelle, il faut par contre souligner le manque de représentativité des écosystèmes. De plus, la majorité de ces territoires protégés se situe au nord du 49ème parallèle, là où les activités humaines se font plus rares. En contrepartie, ce sont près de 80 projets d’aires protégées (20 000 kilomètres carrés) situés au sud qui ont été soit refusés, soit reportés et ainsi, demeurent sujets à des coupes forestières industrielles[7].

Face à un climat qui change rapidement et de façon spectaculaire, serait-ce donc, tel que formulé par l’auteur, « le calme avant la tragédie »? Tandis que le 28 juillet 2022 marquait le « Jour du dépassement», les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) s’accumulent depuis 1990 et les constats sont de plus en plus alarmants : acidification des océans, hausse de la fréquence et de la gravité des phénomènes météorologiques, fonte des glaces, records de chaleur battus à chaque décennie, chute de 25% des ressources en eau douce, baisse de 6,45% des pêcheries, augmentation de 75% des zones géographiques considérées comme mortes, perte de 25% du couvert forestier planétaire, diminution de 58% des populations d’animaux vertébrés[8], etc. Malgré les nombreuses conventions et rencontres internationales, l’auteur fait le constat suivant : la dégradation de la planète est plus rapide que la diplomatie. Mentionnons aussi l’échec du Parti conservateur du Canada en mars 2021 à faire adopter une motion visant à reconnaître l’existence des changements climatiques et l’importance de s’y attaquer (54% contre). Bref, alors que l’écoanxiété ronge particulièrement la nouvelle génération qui provoque depuis 2019 une « vague verte » sans précédent, le 21ème siècle se devra d’être écologique… et la facture sera salée[9]!

[1] Lemieux aux pp 32 et 33.

[2] chapitre Q-2.

[3] Lemieux à la p 79.

[4] Chiffres de la firme Léger du 22 juin 2022.

[5] C’est en décembre 2020 que le ministre de l’Environnement a annoncé que la vente de véhicules neufs à essence sera interdite au Québec dès 2035 et qu’ainsi, 60% du parc automobile sera électrifié en 2035. Hugo Pilon-Larose et Charles Lecavalier. (29 octobre 2021). Le troisième lien déroge aux objectifs verts, admet Legault. La Presse. En ligne. plus.lapresse.ca/screens/5b854337-3fa9-4f6b-9e02-c46b0bf56be0__7C___0.html.

[6] Voir Bilan 2018: accidents, parc automobile et permis de conduire. (septembre 2019). En ligne. saaq.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/espace-recherche/dossier-statistique-bilan-2018.pdf aux pp 16 et 29. Voir aussi Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2018 et leur évolution depuis 1990. En ligne. www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/2018/inventaire1990-2018.pdf aux pp 8 et 13.

[7] À ce propos, voir Alexandre Shields. (11 février 2021). L’industrie avant la protection du territoire? Le Devoir. En ligne. https://www.ledevoir.com/environnement/595022/environnement-l-industrie-avant-la-protection-du-territoire.

[8] Lemieux aux pp 101, 111 et 135.

[9] Ibid, aux pp 123 et 211.

Auteur : Raymond Lemieux

Nombre de pages : 225

Date de parution : 2ème trimestre 2022

Éditeur : Éditions MultiMondes

Crédit photo: Kathryn Blanchette 

Vous pourriez aussi aimer

Page par Page