Jean-Nicolas Paul est enseignant en littérature. Il s’intéresse particulièrement à la notion du monologue intérieur. Dans son premier roman, Conduire à sa perte, il montre qu’il maîtrise le sujet à la perfection.
Alexandre est sur l’autoroute, en fuite. Il veut se suicider. Il songe à ses enfants et sa femme. Le monologue intérieur nous amène dans les coins sombres de ses pulsions. La hantise de ses gestes se mêle à sa course effrénée.
Dans ce récit haletant, l’auteur réfléchit, grâce aux détestables personnages, à la condition humaine au XXIe siècle. L’appât du capitalisme et du confort, l’idéalisation de la famille nucléaire de banlieue et le sentiment d’être prisonnier dans un monde qu’on ne contrôle plus empêchent le personnage principal de voir clair. La pression le mène à une violence extrême. Ainsi, Paul critique la violence conjugale, familiale, l’infanticide et le féminicide. Le monologue intérieur d’Alexandre nous montre le chemin désespéré parcouru par le personnage, mais pointe également les failles. Le tout se fait avec une nuance appréciée qui n’empêche pas l’acte d’être inexcusable.
La force de ce roman est sans aucun doute l’utilisation impressionnante du monologue intérieur. C’est un chaos structuré, autant dans la syntaxe que dans l’idéation. Dialogues, phrases sans ponctuation et réflexions logiques se côtoient sans cesse. Malgré ce qui pourrait sembler déconcertant, on se reconnaît dans cette surcharge. L’auteur recrée à la perfection l’état de crise psychique à travers les pages.
Conduire à sa perte est une œuvre coup-de-poing qui ne plaira pas aux plus sensibles. Le sujet est dur et violent, mais Jean-Nicolas Paul l’adresse avec habileté. C’est un pari audacieux, mais réussi.
- Auteur : Jean-Nicolas Paul
- Éditions : Tête première (coll. Tête ailleurs)
- Parution : 13 février 2024
- Pages : 120 pages
Crédit photo: Patrice Sirois