Le film La vie d’Adèle (Abdellatif Kechiche, 2013) n’a plus besoin de présentation tant il a été primé (notamment de la Palme d’or, à Cannes). Le bleu est une couleur chaude (Julie Maroh, 2010), le livre duquel il s’inspire, gagnerait pourtant à être plus connu du public, puisqu’à mes yeux plus tendre, plus subtil et plus sensible que son adaptation cinématographique.
D’abord, Le bleu est une couleur chaude est un roman graphique d’une grande beauté. Les sensations y sont brillamment illustrées, les émotions mises en lumières par les dessins aux traits fins et clairs de Maroh. L’utilisation rare de certaines couleurs rehausse à merveille les sentiments des protagonistes, notamment ceux de Clémentine. Le bleu, appliqué ça et là avec parcimonie, enlumine fréquemment son amour pour Emma, qui autrement s’esquive.
L’histoire, vous la connaissez. Clémentine a 16 ans et se meurt de désir pour Emma, une jeune femme de quelques années son aînée qui lui fera découvrir une part d’elle-même qu’elle aurait au départ préféré enfouir. Aimer une fille, est-ce normal? Sous les huées de ceux et celles qui n’acceptent pas sa nature, Clémentine se referme. Mais ce sera du même coup un nouvel horizon, fait de passion et de lumière, qu’Emma lui offre. Cet amour lui donnera la force nécessaire pour oser vivre sa vie, avidement. Dans cette magnifique bédé, on suit donc le récit tragique des vacillations d’une passion qui semble d’abord impossible.
On pourrait voir dans Le bleu est une couleur chaude uniquement un livre sur la découverte de l’homosexualité féminine et les tourments qui lui sont intrinsèques … et ce serait déjà magistral. Mais c’est aussi le récit d’un amour naissant, d’une passion typique de l’adolescence, de celles qui nous déchirent.
L’insécurité, les angoisses et les émotions à fleur de peau, caractéristiques des premières amours sont doublées de la difficulté pour Clémentine de s’entrevoir telle qu’elle est. Elle luttera, d’abord contre elle-même, pour arriver finalement à appréhender sa propre vérité. Et au fil des pages superbement dessinées, on comprendra que se libérer de la morale, des préjugés et de ce qui nous cloisonne, a un prix.
Julie Maroh réussit avec cette bédé à nous faire ressentir la force des grandes amours. En brisant des tabous et en touchant à l’universel.
Autrice : Julie Maroh
Nombre de pages : 140 pages
Date de parution : 2010
Éditeur : Glénat
ISBN : 978-2-897-124892