Si un jour je devais me marier, ce serait avec Daniel Pennac. C’est un amour, bien entendu, littéraire, mais le coup de foudre ressenti, comme un beignet brûlé qui gratte la gorge pour paraphraser Vian, était bien réel lors de ma lecture de la saga Malaussène, un cycle romanesque s’échelonnant sur 6 volumes. C’est un euphémisme d’affirmer que je suis littéralement tombée sous le charme de cette famille déjantée que sont les Malaussène. J’aime presque toute l’œuvre de Pennac (qui ne trouve pas quelques défauts à l’homme de sa vie), et le dernier né, le roman Mon frère, n’en fait pas exception.
Mon frère traite de cette grande affection qu’avait Pennac pour son frère Bernard, décédé il y a quelques années. Il tente de saisir cet amour fraternel, de le réfléchir pour mieux expliquer le vide que son aîné a laissé en lui. Il ne s’agit pas d’un récit larmoyant, mais plutôt d’un témoignage sur une relation entre deux êtres humains qui s’aimaient au-delà des grandes conversations et des moments d’intimité. Pennac constate qu’il a peu connu cet homme, mais qu’il l’a terriblement aimé pour tout ce qu’il était et représentait pour lui. À travers ces doux moments retracés se glisse l’adaptation de la pièce de théâtre Bartleby le scribe de Melville montée par Pennac. Il avait la vive impression de jouer pour son frère tous les soirs de représentation et s’attendait à le voir surgir après que le rideau soit tombé pour pouvoir ainsi reprendre avec lui des conversations inachevées. Ce frère disparu est en quelque sorte le double de Bartleby dans cette façon qu’il avait de ne pas désirer s’inscrire dans la futilité d’une vie de consommation.
Daniel Pennac crée des personnages touchants qui bouleversent par leur sincérité, par leur authenticité, et ça fait un bien immense de côtoyer ce genre d’êtres humains dans une époque de faux-semblants comme la nôtre. J’ai été attendrie par ce frère qui fuit la quête de soi frénétique, le consumérisme et le carriérisme. La relation empreinte d’une très grande affection entre les deux frères m’a émue. J’avais la vive impression d’assister à quelque chose de vrai, de beau, d’unique. Et que dire des phrases tissées lentement par l’auteur comme autant d’objets de valeur qu’il ne faudrait surtout pas briser en voulant lire trop vite :
Tout à la fin, il rêva d’une promenade en péniche. Nous deux, un échiquier, sur les canaux, d’écluse en écluse, à deux kilomètres à l’heure mais le plus loin possible. Il avait étudié les parcours envisageables. J’étais d’accord, enthousiaste même, mais j’ai traîné. J’ai traîné… Comme si j’avais sa vie devant moi. (Mon frère, p. 105)
Amen! Je renouvelle mes vœux, encore une fois, avec Daniel Pennac.
- Auteurs : Daniel Pennac
- Nombre de pages : 129 pages
- Date de parution : Mai 2018
- Éditeur : Gallimard
- Provenance du livre : Librairie de Verdun
Crédit photo : Karine Villeneuve