Dans cet article, je vous présente quatre pièces de théâtre ou texte théâtral publiés cet automne qui ont attiré mon attention, et ce, pour des raisons très diverses. Je trouve toujours rafraichissant de lire du théâtre, c’est une des littératures que je préfère enseigner aux élèves, la liberté que celle-ci confère est unique.
Les morts
Alors qu’Alexis Martin était au Conservatoire avec ses collègues, dont Daniel Brière, ces étudiants se sont fait enseigner qu’il y a trois sujets qu’on ne peut jamais aborder au théâtre ou du moins mettre en scène: les animaux, les bébés et les morts. Puisque le théâtre a peu d’interdits et/ou de tabous, ces deux acolytes ont décidé d’en faire leur défi, ils ont donc écrit, mis en scène et joué trois pièces de théâtre: une avec des animaux, une avec des bébés et celle-ci, la dernière, avec des morts.
Alexis Martin a donc écrit cette pièce où un homme, au mitan de sa vie, retourne sur les lieux de son enfance où désormais habite sa cousine et, une fois allongé dans sa chambre d’enfant, rencontre les esprits qui ont marqué sa vie. S’enchaine un dialogue où l’homme tente de recevoir les réponses qui le taraudent. Je dois avouer que je me suis perdue quelquefois au fil des monologues et des dialogues du protagoniste, je ne suis pas certaine d’avoir capté toute l’histoire, mais ce que j’ai adoré de cet ouvrage est l’épilogue (appelé: quelques mots sur le jeu) d’Alexis Martin. Il explique dans cette partie tout ce que le théâtre représente pour lui et, surtout, c’est là que nous apprenons que les deux amis ont décidé de franchir TOUS les interdits en créant leurs propres expériences théâtrales et c’est fascinant. Nous avons l’impression qu’Alexis Martin nous transmet sa passion et ça fonctionne!
- Auteur: Alexis Martin
- Maison d’éditions: Les morts
- Parution: 15 août 2022
- Nombre de pages: 47
Le cœur sacré de Jeanne-Mance
Jeanne-Mance Delisle écrit deux tragédies: Un «reel» ben beau, ben triste en 1979 et Un oiseau vivant dans la gueule en 1987. Quatre personnes: un comédien, une comédienne, une écrivaine et une poète vont se pencher sur ces pièces, sur les thèmes de ces pièces, sur les tabous, sur l’importance que le théâtre a eue pour en parler et savoir si c’est toujours nécessaire de le faire, de rejouer ces pièces-là.
Un extrait de ce texte théâtral que j’ai particulièrement apprécié est lorsque les auteurs abordent leur interprétation de la pièce Un «reel» ben beau, ben triste. Cette pièce aborde l’inceste d’une façon très crue, très vulgaire et est vue d’une façon différente par les différents protagonistes:
LA COMÉDIENNE, debout:
Jeanne-Mance parle du cœur, du sacré, du nœud qu’il faut dénouer « non sans déchirure, sans sacrifice ». Ce sont ses mots. Jeanne-Mance Delisle, ce qu’elle fait dans le fond, c’est qu’elle met la table pour la tragédie. Mais c’est vrai que le repas qu’elle nous sert, il n’est pas tout beau, tout chaud, tout propre. Y a pas des belles petites napkins et on ne mange pas en riant aux éclats avec des amis, en-dessous du ciel le plus beau au monde sur le bord d’un lac tranquille. Ce qui a sur la table, c’est dur, c’est frette, pis c’est souvent ben trop vrai! […]
L’ÉCRIVAINE
[…] Au départ, je me suis dit que l’œuvre de Delisle, c’était nécessairement plus qu’une pièce sur l’inceste. Il fallait que ce soit plus.
LA POÈTE
Un proverbe anglais dit: « La joie est née jumelle, car elle doit être partagée. » On pourrait ajouter que la souffrance aussi doit être née jumelle, car elle doit être subie. (Un temps, s’adressant au public.) Ce spectacle n’est pas un hommage.
- Autrice: Jeanne-Mance Delisle
- Revue par: Valérie Côté, Sonia Cotten, Simon Dumas et Érika Soucy
- Parution: 29 août 2022
- Nombre de pages: 68
Sur le divan
Quelle pièce originale qui convient parfaitement au XXIe siècle! Deux amis du cégep, Samuel et Philippe sont assis sur le divan pendant toute la pièce ce qui explique le titre, ils fument du pot. Ils profitent du moment. On comprend qu’il s’agit de leur grosse activité de vie. Ils auront des conversations loufoques et saugrenues des plus divertissantes. À un moment, on apprend que Philippe a une blonde et ne souhaite pas aller au party pour passer du temps avec elle, ce qui agace considérablement Samuel qui se sent délaissé. Cette femme, Steph, risque de briser leur petit univers enfumé. On lira que Sam est prêt à aller très loin pour ne pas perdre son amitié avec Philippe jusqu’à lui mentir et à le manipuler.
J’ai beaucoup ri en lisant cette pièce, les personnages sont complètement déjantés et, pourtant, super attachants. Cette pièce se lit en un clin d’œil et on souhaite une suite!
- Auteur: François Ruel-Côté
- Maison d’éditions: De Ta Mère
- Parution: 28 septembre 2022
- Nombre de pages: 126
Run de lait
Docu-théâtre, Justin Laramée nous fait faire une run de lait sur l’industrie laitière et on en ressort « shaké » c’est le moins qu’on puisse dire. Il commence en tentant de comprendre la grande détresse (dont on parle trop peu, à mon avis) des petits producteurs laitiers. Pour comprendre cette détresse, il nous amène vers les gros producteurs qui nous amènent vers les transformateurs. On fait donc le tour complet de la production au produit fini sur les tablettes afin de mieux comprendre et de voir ce qu’on pourrait modifier afin d’améliorer cette industrie.
Ce que j’ai adoré de cette pièce-documentaire c’est l’immense travail et la rigueur de Justin Laramée. Plusieurs lois complexes régissent cet univers, mais l’auteur nous prend par la main et nous explique toute la portée de la loi et du non-respect de celle-ci aussi. Il nous fait réfléchir comme consommateur.ice. Je dois avouer que j’ai pensé ne plus boire de lait pour ensuite décider de n’acheter que du lait local (un moindre mal? Je l’espère.). Je pense que cette pièce devrait être lue/vue par tous au Québec. Aussi, on doit absolument trouver une façon de mieux prendre soin des travailleurs et des producteurs agricoles qui sont tout simplement laissés à eux-mêmes dans cette industrie plus grande que nature.
- Auteur: Justin Laramée
- Maison d’éditions: Somme toute
- Parution: 6 septembre 2022
- Nombre de pages: 167
Crédit photo: Valérie Ouellet
