(…) le changement profond passe par le fait d’envisager un monde dans sa diversité.
Camille, Dijon. Un enjeu de la lutte des classes. p. 73.
Révolutionnaires est un essai issu d’une série d’entretiens menés entre 2013 et 2019 par le Collectif Atelier des passages. Ce collectif réunit des femmes dans la trentaine qui se considèrent militantes et ont eu envie d’immortaliser les pensées de certaines femmes militantes qui les ont précédées. Leur projet n’était pas de rencontrer des héroïnes, des modèles, mais bien des personnes dont la vie a été marquée au quotidien par le militantisme, les convictions, l’engagement. Qui ont mêlé le personnel et le politique pendant des années, vivant déceptions, colères, réussites, découragements et victoires. Comme les membres de l’Atelier des passages l’expliquent dans l’introduction, Révolutionnaires a pour objectif d’avancer dans « une forêt de convictions, d’organisations et d’identités », et ce, à tâtons.
À travers les récits de six femmes issues d’Uruguay, France, Suisse et d’Allemagne, Révolutionnaires part à la recherche du collectif dans les trajectoires individuelles, de l’histoire avec un petit h, telle qu’elle a marquée les gens qui y ont participé, soit la matière même de la mémoire collective, imparfaite, imprécise et pourtant tellement significative. En parallèle, une réflexion émerge sur l’engagement, ce qu’il a de radical ou d’éphémère, de reconnu ou d’effrayant, de superficiel ou dogmatique.
Vous dire à quel point j’ai adoré cet essai, qui se lit avec facilité, et qui donne l’impression d’avoir passé une soirée entre amies ! À travers les yeux des militantes, j’ai découvert des bouts d’histoire des mouvements socialistes, communistes, anarchistes. J’ai compris des enjeux liés aux syndicats, aux entreprises, aux communautés, aux groupes de militants. J’ai redécouvert de multiples formes de résistances, des manifestations aux actions ponctuelles, des discours à l’assemblées aux soirées entre camarades. J’ai pris connaissance de toutes les actions qui ont été prises, qu’elles aient réussies ou non, pour changer le capitalisme, le sexisme, le fascisme. J’ai eu la chair de poule et les larmes aux yeux. Souvent.
En bref, j’ai particulièrement apprécié la diversité des textes, l’accès aux contextes historiques de chaque pays à travers les yeux d’une personne engagée au quotidien, l’entremêlement entre privé et politique, les croyances de chacune et les obstacles rencontrés, la puissance des combats qui se démènent dans le monde pour plus d’égalité, plus de droits, plus de changements. Le format court de chaque témoignage donne tout simplement envie d’aller plus loin, de lire d’autres livres sur l’histoire d’un pays, d’une ville, d’un parti… mais aussi de créer des groupes, de s’engager dans un parti, de militer, de réfléchir. Et c’est ça, pour moi, la grande force de cet essai qui regroupe ces voix anonymes et si puissantes : nous donner l’impression que nous pouvons, à notre échelle, à notre image, dans nos réalités, changer un peu le monde.
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Parce que l’engagement a un prix et c’est bien souvent celui de toute une vie. Ce que nous racontent ces histoires, ce sont la force et la joie, les doutes et les crises, et puis une grande cohérence d’existence, des convictions et des fidélités. (…) s’engager, c’est aussi et d’abord vouloir « réhabiliter le bonheur ».
– Ludivine Bantigny, citant Anne-Catherine, p. 198
- Autrices : Atelier des passages (collectif)
- Maison d’édition : éditions du commun
- Date de parution : février 2022
- Nombre de pages : 198
Crédit photo : Annick Lavogiez