Tara voulait jouer
Tara voulait jouer est un excellent roman pour adolescents mais, encore j’insiste, pour tous. Frédérick Wolfe nous raconte l’histoire de Tara, adolescente finissante du secondaire qui, malgré les réticences de sa mère, décide de déménager, de travailler à Montréal et de se prendre le meilleur « coach » afin d’auditionner pour l’École nationale de Théâtre. Elle a quelques mois pour se préparer afin d’épater le jury. Jouer au théâtre, à la télévision, c’est son rêve et elle fera tout pour y arriver. Son enseignante de théâtre la met donc en contact avec Simon, comédien et coach sans demi-mesure, intraitable, qui poussera Sara au bout de ses limites, mais c’est normal, non ? Est-ce que Sara est prête à tout pour jouer ? Vraiment à tout ?
Le roman nous envoie dans cette phase où nous devons décider de la prochaine étape au secondaire, étape qui a tellement de poids et où, malheureusement, souvent, on sent que c’est là que le reste de notre vie va se décider. Tara veut tellement faire du théâtre qu’elle est prête à tout pour montrer à sa mère qu’elle a bien fait de la laisser partir à Montréal. L’autrice nous met face aux limites floues de Tara ainsi qu’aux nôtres. On en vient à se poser les mêmes questions que la protagoniste. On questionne la normalité. Est-ce que c’est correct de ne pas se sentir toujours bien si on veut s’améliorer ? Jusqu’où on doit aller pour plaire ?
Un roman qui a sa place dans toutes les bibliothèques, qui chamboule et qui reste avec nous.
- Autrice : Frédérick Wolfe
- Maison d’édition : Leméac Jeunesse
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 211
Trash anxieuse
Oh que j’ai aimé Trash anxieuse. C’est court, c’est punché (trash juste ce qu’il faut) et ça nous rentre dedans. Moi qui enseigne depuis dix ans à des adolescents, je peux vous dire que Sarah Lalonde a frappé dans le mille en parlant d’anxiété, bien réelle, chez les jeunes. L’éco-anxiété, entre autres, alors que ces enfants se font parler de changements climatiques depuis tout petits et sont de plus en plus inquiets alors que les actions réelles, concrètes posées par les gouvernements se font toujours attendre. Ils ont l’impression que tout repose sur leurs épaules et n’ont certainement pas tort.
Trash anxieuse parle aussi de cette adolescente qui, lorsqu’elle refuse de suivre la dernière mode des réseaux sociaux, se fait rejeter par ses pairs. Au cœur d’un divorce, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase :
Reject éjectée dans ma solitude, j’me suis cloîtrée dans le local d’art dram jamais barré.
– p. 9
Elle aura suite à ce rejet, une première crise de panique qu’elle décrit parfaitement :
ma respiration saccadée j’jhaletais sans retrouver mon souffle erratique tout tournait mon cœur se délogeait de ma carcasse virait de bord en bord me descendait dans le ventre j’en chiais ma vie je suais de terreur je me grattais la peine jusqu’au sang j’allais mourir à ma prochaine expiration mais je voulais pas alors je me disais hurle un cri d’outre-tombe sous mes entrailles tremblantes j’m’injectais des doses de néant rayonnant dans mon corps à demi là à demi moi en spasme du dedans au-dehors en spasme du dedans au-dehors.
– p. 9
La menace d’une sixième extinction achèvera son statut d’anxieuse. On suit les angoisses d’une adolescente et ses réflexions et on ne peut que comprendre et compatir. Sarah Lalonde a su créer un style entre poésie et récit avec le vocabulaire précis et compris des adolescents. Un immense coup de cœur.
- Autrice : Sarah Lalonde
- Maison d’édition : Leméac Jeunesse
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 138
Crédit photo : Valérie Ouellet