Hayat (signifiant « vie » en arabe), que les mauvaises langues appellent Houta (« poisson »), est une jeune fille rêveuse et allumée. Elle passe ses journées à errer de maison en maison sur la rue du Pardon, dans un quartier pauvre et populaire au centre de Marrakech. Elle passe de maison en maison pour fuir la sienne, celle de ses parents.
Pour fuir sa mère agressive et amère, qui subit les ragots d’adultère du voisinage en raison des cheveux de blés et de la peau de neige de Hayat. Et qui, faute de pouvoir répliquer à la hauteur de sa frustration, met toute sa haine et sa rancune sur le dos de sa fille.
Pour fuir son père violent et brutal qui, le jour, la frappe et la violente et, le soir, se faufile dans son lit et l’agresse sexuellement. Depuis l’âge de 14 ans.
Ses errances finissent toutefois souvent vers la maison de Serghinia, alias Mamyta, danseuse orientale multicolore, aux caftans extravagants et au sourire faisant succomber hommes comme femmes. Une femme douce et sensible qui a pris Hayat sous son aile, qui la chouchoute et la complimente, qui lui donne tout l’amour qu’il lui manque. Et qui l’amène avec elle dans ses soirées virevoltantes. Qui prendra très tôt le rôle de mentor jusqu’à devenir sa mère de cœur, sa mère d’âme.
Sur la rue du Pardon, entre la voyante et la bienveillante sorcière, entre les « tantes » et le grand-père aimant, entre les jumelles méchantes, les voisines malveillantes et les personnages marginaux, Hayat grandira au diapason des tourments, des vertiges, des voltiges. Mais aussi des lumières, des chants et des couleurs. Des éclaircies, de l’art et de l’amour. Jusqu’à l’apogée, la libération. La vie.
Parce qu’au son des pas de danse, tout s’efface, tout s’oublie. Le temps s’arrête et tout prend sens.
Rue du Pardon du – tellement talentueux – Mahi Binebine est un livre d’affronts. De douleurs et de cicatrices. D’injustices et de révoltes. De classes sociales, de sexisme et d’homophobie. Mais aussi de force et de puissance. De combats et d’affrontements. De liberté, de fureur.
C’est un livre témoin de la société marocaine. De ses contradictions, ses subtilités. Ses zones grises, ses zones d’ombre. De sa faculté, intrinsèque, à capter le beau, le doux dans le laid et le sombre. Et, à ce titre, il n’y a aucun auteur marocain qui rend aussi bien la beauté et la laideur du Maroc que Mahi Binebine. Si vous ne le connaissez pas encore, allez le découvrir !
- Auteur : Mahi Binebine
- Date de parution : 2019
- Éditeur : Éditions Le Fennec
Crédit photo : Mylène de Repentigny-Corbeil