Marisol Drouin est l’autrice de Quai 31. Portée par le succès de son premier roman, elle s’attèle à la tâche pour faire naître son second, Fleuve malin. Or, le temps passe et les embûches apparaissent. Elle n’y arrive pas et souffrira longtemps de cette incapacité à mener à terme son projet d’écriture. La maternité et la maladie se mettront de la partie pour mener son regard ailleurs, loin de cette fiction qu’elle pensait porter en elle.
Ce ne sera que des années plus tard, lorsqu’elle décidera consciemment d’abandonner le roman sur lequel elle travaillait, que les valves de la création s’ouvriront de nouveau et que réussira à naître le spontané Je ne sais pas penser ma mort. Ce n’est pas un roman, mais un florilège de courts textes, pressés et avides, où Marisol Drouin se raconte comme écrivaine, comme femme, comme mère, comme révoltée.
Avec Je ne sais pas penser ma mort on est entre le récit de l’intime et le journal d’écriture. Une réflexion sur la création en même temps qu’un questionnement sur la mort, celle que l’on donne, celle que l’on n’ose pas nommer, celle qui nous frappe dessus sans qu’on ne l’ait appelée. Et par ricochet, un essai sur la vie, la famille, la maternité. Et surtout, l’être au monde comme féministe, avec toujours le regard des autres sur soi.
Ça me frustre de dire que Virginia Woolf avait raison. Mais peut-être que si je me mets en colère une dernière fois, j’écrirai par la suite quelque chose de nouveau, de beau, de rassembleur, avec de l’avenir, que mon fils pourra lire sans se questionner sur la rage qui enflammait le cœur de sa mère. (Marisol Drouin, Je ne sais pas penser ma mort)
On sent le ressentiment, le nœud dans le ventre de l’autrice. Qu’elle pense aux humiliations répétées qui viennent avec sa condition de femme dans un univers d’hommes, à son incapacité à faire face au monde libéral et ses exigences, à la maladie qui arrive et lui vole ce qui lui restait d’énergie et de désir. Elle rage, fulmine. Alors elle transcende la colère et la transforme en écrits.
Je ne sais pas penser ma mort se lit peut-être comme des méditations, des cris longtemps étouffés qui sortent enfin. Dans tous les cas, on se trouve devant un espace de résistance écrit dans l’urgence de revivre.
- Autrice : Marisol Drouin
- Nombre de pages : 216 pages
- Date de parution : 2017
- Éditeur : La Peuplade
- ISBN : 978-2-924519-61-5
Crédit photo : Caroline Dawson