En quatrième de couverture, on peut lire que Juicy est une histoire d’amour pornographique, une parodie de roman Harlequin. Mais c’est beaucoup plus que ça. Certes, les scènes crues ne laissant pas place à l’imagination parsèment abondamment le livre, mais elles sont loin d’être l’élément central de l’histoire.
Il m’est difficile de décrire ce roman, parce qu’encore maintenant, je ne suis pas certaine d’avoir saisi ce que l’autrice veut nous dire. Mélodie Nelson, ex-escorte et membre du conseil d’administration de l’organisme Stella défendant les droits des travailleuses du sexe, nous offre ici un livre qui pourrait être à la fois un hommage à l’industrie du sexe et une dénonciation des dérives d’une société obsédée par le corps des femmes.
Alexis, alias Dulce Cox pendant sa carrière d’actrice porno, est belle. Le genre de beauté qui cadre avec les stéréotypes du corps féminin parfait : visage fin, longues jambes effilées, gros seins rebondis, peau douce, etc. Un genre d’Allison Parker ou Taylor White… Consciente de ses atouts et encouragée par ses parents, elle remporte le prix Miss Teen USA. Elle est vierge et idéalise son avenir.
Mais les choses changeront très rapidement. Il y aura l’amour, à mille lieux de l’amour tel qu’on se l’imagine. Alexis semble se convaincre elle-même qu’elle tombe amoureuse de celui qui l’a dépucelé et elle en demeurera obsédée tout au long du livre. Il y a aussi le sexe et la drogue. Et c’est là où on se demande jusqu’à quel point l’autrice a voulu utiliser son histoire pour critiquer cette société qui utilise le corps des femmes. La superficialité et le désir de plaire à tout prix dominent toutes les volontés d’Alexis. À aucun moment elle ne semble consciente qu’elle a un potentiel au-delà de sa capacité à faire jouir.
L’innocence de la jeune femme se reflète dans toute la narration de l’histoire. Elle nous fait rire plus d’une fois par ses réflexions saugrenues et sa façon de voir le monde. Mélodie Nelson a une façon d’écrire tout à fait rafraîchissante.
Je ne peux rien faire d’autre. Même si je voulais devenir la prochaine Oprah Winfrey ou la prochaine madame qui parle aux singes pour se payer une épilation des aisselles, ce serait impossible. Toutes les pilules de Xanax, toutes les amphétamines de ma maman, toutes les drogues que Cat Marnell se prend sous la langue seraient insuffisantes pour me faire croire que j’ai un avenir ailleurs que dans un corps sans diadème. (p. 59)
Je retire mes sandales, une copie parfaite de celles que Katie Holmes portait quand elle a su que Tom Cruise avait offert un centre commercial à leur fille parce qu’elle avait réussi à épeler son prénom.( p. 107)
Elle lève les bras dans les airs et pousse un cri de party girl qui vient de toucher une des armes à feu de Dan Bilzerian. (p. 88)
Il pourrait rejeter l’idée et m’annoncer qu’il doit se rendre à un bal pour récolter des fonds pour les orphelins qui se perdent quand ils jouent à la cachette. (p. 113)
La féministe en moi a tiqué plus d’une fois, mais a vu dans ce livre une façon brillante de soulever la question du droit des femmes à disposer de leur corps comme elles le souhaitent, tout en faisant réfléchir sur cette soi-disant liberté étant donné les dictats de la beauté et l’utilisation à outrance du corps de la femme comme objet de désir et de plaisir.
À lire, pour ceux et celles qui veulent sortir de leur zone de confort. Mais si vous avez des enfants en âge de lire, faites attention où vous poserez votre exemplaire !
- Autrice : Mélodie Nelson
- Éditions : Ta Mère
- Nombre de pages : 178 pages
- Date de parution : novembre 2017
Crédit photo : Françoise Conea