Dans La mémoire n’en fait qu’a sa tête, Bernard Pivot nous plonge dans son amour des mots simples adroitement associés, ponctués délicieusement ici et là de quelques raretés (chaloir, fusillité, rastaquouère). Il nous fait aussi revisiter la littérature française en insérant dans ces billets de nombreux extraits d’auteurs. Ce faisant, Pivot nous fait découvrir des épisodes personnels et professionnels de sa propre vie d’homme qui avance en âge.
Son amour des mots, des lettres, des écrivains et des artistes, il l’a déposé dans chaque page de cet ouvrage difficile à classer. Il s’agit d’une réflexion sur la vie et une incursion dans les dessous du monde littéraire français (entre autres celui de l’Académie Goncourt qu’il préside depuis 2014). Chez Renaud Bray, par exemple, le livre apparaît dans la catégorie critique littéraire.
Si on aime la langue française et la richesse de son vocabulaire, le livre de Bernard Pivot nourrira cet amour puisqu’il se fait un plaisir et un devoir de trouver le mot juste, au risque de s’écarter parfois des règles. Il choisit à l’occasion des mots populaires, des mots d’argot, car dit-il :
Si elle ne veut pas se scléroser, peut-être mourir, une langue doit frémir, bouger, s’ouvrir, accepter l’usage, perdre des mots et des expressions et s’enrichir d’autres. Elle doit vivre comme un grand corps musclé qui s’oxygène, qui retient ce qui lui convient et refuse ce qui l’appauvrit ou l’enlaidit. (p.209)
En se servant d’extraits d’écrivains célèbres qui ont nourri son imaginaire ou son retour dans son passé, Pivot partage avec nous son regard sur la vie, l’amour, et, en toute simplicité, il nous en dévoile certains secrets. C’est ainsi qu’on apprend quelques-unes de ses aventures amoureuses jamais avouées auparavant, ses insuccès scolaires ou son pouce qu’il suçait encore à l’âge de 10 ans.
Même si ses propos sont souvent candides, sympathiques et positifs, l’auteur ne manque pas non plus de régler certains comptes avec son passé à commencer par certains écrivains, journalistes littéraires, ou membres des très huppées organisations littéraires de la haute société.
Bernard Pivot a toujours eu une approche bienveillante, si on peut s’exprimer ainsi, à l’égard des écrivains, de la culture en général. Sa façon de l’aborder est simple, respectueuse. Et malgré sa vaste culture, il ne sonne jamais condescendant ou snobinard. Une très belle écriture.
- Auteur du livre : Bernard Pivot
- Nombre de pages : 226
- Date de parution : 2017
- Éditeur : Albin Michel
- Provenance du livre : Renaud Bray
Crédit photo : Sandra Gravel