Dans ce dictionnaire, trente trois féministes s’attaquent au sexisme linguistique. Pour éviter de banaliser les violences (réelles ou symboliques) faites aux femmes, elles pointent du doigt nombre d’expressions, pourtant tolérées socialement, qui nous empêchent de penser l’égalité et qui normalisent la domination masculine.
La prémisse de ce dictionnaire est on ne peut plus claire : le sexisme que l’on retrouve dans nombre d’expressions courantes de la langue française font en fait écho aux inégalités qui existent entre les genres. Les règles de notre langue ne feraient ainsi que refléter la domination historique que les hommes ont exercée sur les femmes, tant dans l’espace commun que dans les institutions publiques. Afin d’éviter de perpétuer à notre tour ce sexisme présent dans la langue française, les autrices de ce dictionnaire répertorient les expressions à proscrire ou les mots à se réapproprier dans notre prise de parole.
Dans sa forme, le dictionnaire est également intéressant. En ordre alphabétique, chacun des mots choisis fera l’objet d’une analyse historique, sociologique, linguistique ou symbolique, réalisée par des femmes venant de divers horizons. Frigide (par Caroline Jacquet, politologue travaillant à la FFQ) suivra Facile (par Catherine Chabot, écrivaine de théâtre) et précèdera Gouine (par Julie Podmore, géographe sociale). En quelques pages seulement, on peut lire une étude ou un exposé critique sur une appellation ou une locution langagière. Chaque entrée est accompagnée de termes associés à surveiller dans notre usage, ainsi que d’une courte bibliographie nous permettant de mener plus loin la réflexion entamée lors de la lecture.
Comme dans la plupart des collectifs, on se trouve devant un florilège assez inégal. Si chacune y apporte sa propre perspective, certaines autrices se démarquent par la finesse de leur raisonnement et l’originalité de leur perspective. On a particulièrement aimé les entrées Indisposée de Catherine Mavrikakis (littérature), Lessivée de Camille Robert (histoire), Querelle (Suzanne Zaccour, droit) et Voile de Dalila Awada (sociologie). Si d’autres exposés nous ont déçus par leur superficialité, il n’en reste pas moins que par un effet d’addition, ils arrivent indéniablement à démontrer que la langue est politique.
- Sous la direction de : Suzanne Zaccour et Michaël Lessar
- Nombre de pages : 260 pages
- Date de parution : 2017
- Éditeur : Éditions Somme Toute
- ISBN : 978-2-924606-58-2
Crédit photo : Caroline Dawson