Ils se sont tant aimés. Gérald Godin, journaliste, poète et député du Parti Québécois dans la circonscription de Mercier de 1976 à 1994 et Pauline Julien, chanteuse qui a fait carrière au Québec et en Europe, actrice et féministe. Ils sont deux figures marquantes de notre histoire récente, ayant été de grands militants pour l’indépendance du Québec. Ils ont entretenu une relation passionnée pendant plus de trente ans.
Les lettres qui sont publiées dans le recueil La renarde et le mal peigné : Fragments de correspondance amoureuse de 1962 à 1993, font partie de leurs fonds de succession, déposés aux Archives nationales du Québec lors de leurs décès, en 1994 pour Gérald Godin et en 1998 pour Pauline Julien. En 2008, au dixième anniversaire de la mort de Pauline, sa fille est allée consulter ces archives et, devant la richesse de ces écrits, elle a décidé d’en faire un livre qui a été publié chez Leméac en 2009.
Acheter ce livre en cliquant sur ce lien
Dans leur correspondance, ils parlent presque exclusivement de leur relation amoureuse, avec quelques allusions ici et là à leurs engagements professionnels et politiques et à leur cercle d’amis comptant des personnages marquants comme Gaston Miron.
Godin, 1er avril 1966 : « Ce soir, chez (Roland) Giguère, avec Miron, nous avons assisté au hockey à la T.V. les Canadiens ont battu Chicago 8 à 3, s’assurant ainsi la coupe. Nous avons tellement crié que Denise (Marsan, compagne de Giguère) en levait les bras au ciel. »
Ils s’écrivent des lettres alors que Pauline est en tournée, souvent en Europe, et que Gérald est au Québec, jouant le rôle de celui qui attend à la maison. On voit l’évolution de leur relation dans ces échanges épistolaires. Au début, ils se vouvoient, Godin résiste un peu, et plus tard, il est fou amoureux. Ils se chicanent, vivent des déchirements, se font de grandes déclarations.
Pauline, été 1962 : « Saluts, lumière de mon cœur. J’ai dormi. J’ai mangé, et je m’ennuie de vous, c’est tout. Thème à retenir ou « termes », pour chansons. Je m’ennuie de vous, c’est tout. Le mot ou la rime est riche et sensuelle. C’est agréable de vous écrire ainsi, au lit. Je lis, j’apprends l’espagnol. Je dors – au fond j’aimerais passer ma vie au lit… (thème aussi pour chansons – avec petit discours préambule explicatif)… et je vous écris – il me semble que je dialogue sans cesse avec vous. Notes de musique à insérer … (sur l’air connu) Dites-moi je vous aime, dites-moi. Pour tou–jours… (le reste, la suite m’échappe, et c’est dommage).
Ils cultivent leur amour malgré la distance et la souffrance causée par l’absence. Bien qu’ils aient d’autres amants, ils reviennent toujours l’un vers l’autre. Les lettres qu’ils s’envoient leur permettent de réfléchir sur eux-mêmes et les amènent à remettre en question leur liaison singulière.
Godin, 5 avril 1966 : « L’amour est une présence constante dans l’esprit et le cœur, mais une activité secondaire dans le temps, dans les 24 h que nous vivons chaque jour. L’amour est essentiel, mais ce n’est pas à l’amour que l’on peut, dans les circonstances actuelles, consacrer l’essentiel de son temps. Tes répétitions, ton travail, le mien, les enfants, la revue Parti pris, le Parti socialiste, les éditions, l’écriture, tout ça remplit nos vies et continuera à les remplir. (…) L’amour n’est pas une idée, il faut que ce soit enraciné, tous les jours, il faut se voir, se parler, se toucher, autrement, l’amour même est menacé. »
Pauline Julien et Gérald Godin, deux grandes plumes qu’il est passionnant de découvrir dans leur intimité, de retrouver leurs mots, de se plonger dans une correspondance amoureuse comme on n’en verrait plus aujourd’hui, à l’ère des textos, de Snapchat, de Skype et des courriels.
- Auteurs : Gérald Godin et Pauline Julien
- Éditeur : Leméac
- Date de parution : septembre 2009
- Nombre de pages : 178 pages
- ISBN : 9782760951426
Crédit photo : Jeanne Lavictoire