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La part de l’océan 

Dominique Fortier est une romancière et traductrice dont les livres Les villes de papier (Alto, 2018) et Les ombres blanches (Alto, 2022), maintes fois primés, racontent avec obsession la vie et l’œuvre de la poétesse états-unienne Emily Dickinson. Cet automne, Fortier publie, toujours chez Alto, La part de l’océan, qui déplace son attention vers un autre monument de la littérature américaine : Herman Melville et son livre Moby Dick.  

La part de l’océan s’avère une fiction inspirée d’une partie de la vie de Melville, métissée à la vie de Fortier et quelques fragments tantôt encyclopédiques, tantôt poétiques sur la mer. L’autrice raconte surtout la relation indécodable que Melville entretient avec l’auteur Nathaniel Hawthorne. On sait que Melville et Hawthorne ont été bons amis à un certain point dans leur vie en Nouvelle-Angleterre. À partir de quel moment l’amitié devient-elle si profonde qu’elle se transforme en autre chose? Cette relation sur laquelle il est difficile de plaquer un mot précis, surtout selon les standards de l’époque, mènera définitivement à l’écriture de Moby Dick. Cela la rend non seulement intéressante, mais surtout importante pour le monde de la littérature.  

Fortier véritablement a trouvé un créneau dans lequel elle brille de mille feux. Cette fixation sur une personnalité littéraire, et surtout ce qui l’entoure, lui permet de divaguer et d’inventer un univers nouveau. Qui ne s’est jamais demandé comment était telle personnalité artistique? Quelle était réellement la profondeur de la relation entre cette personne et une autre? Fortier nuance avec plus de couleurs qu’il y a de poissons dans la mer. Elle ne se contente pas de résumer qu’ils étaient plus qu’amis. Elle vogue fictivement dans les eaux mystérieuses de la psyché de Melville avec précaution et modération. C’est tellement bien fait qu’on dirait qu’elle s’est faufilée derrière une porte pour entendre toutes les conversations lourdes de silence.  

Aussi, je ne sais pas s’il faut encore en 2024 mentionner que la plume de Dominique Fortier est l’une des plus belles au Québec. Elle maîtrise les mots avec une douceur qui étonne et qui apaise. Elle contrôle les nuances avec une adresse que beaucoup d’auteurs rêvent de maîtriser ne serait-ce qu’à moitié.  

La part de l’océan continue la lignée fabuleuse de Les villes de papier et de Les ombres blanches. Dominique Fortier signe encore une fois un roman-essai absolument fascinant tant par son histoire que par sa construction. En plongeant dans les profondeurs de Herman Melville, l’autrice elle-même devient obsédée par une quête inatteignable, exactement comme le personnage principal de Moby Dick. Elle veut comprendre la relation Melville-Hawthorne. Mais au final, on se demande toujours ce qui est le plus important entre la vérité ou le réconfort de l’imagination.  

  • Autrice : Dominique Fortier 
  • Éditions : Alto 
  • Parution : 4 septembre 2024 
  • Pages : 321 pages 

Crédit photo : Patrice Sirois 

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