Blast
Véronique D’Anjou est enseignante au primaire. Cet hiver, elle a lancé son premier roman pour adolescent·es : Blast. Ici, c’est très difficile de ne pas faire le jeu de mots, alors allons-y: l’autrice a réussi à transmettre à ses lecteur·ices exactement ça, une explosion, une explosion de douleur, mais d’amour aussi pour la jeune enfant, puis l’adolescente. J’irai tout de suite au punch: j’espère sincèrement que ce premier opus ne sera pas le dernier.
Le court roman de Véronique D’Anjou s’ouvre sur ces mots, c’est-à-dire les différentes définitions du mot blast:
Blast
Nom masculin (mot anglais)
Traduit en français par “effet de souffle”.
- Onde de choc provoquée par une violente explosion.
- (médecine) Ensemble des lésions organiques provoquées par l’onde de choc d’une explosion.
- (langage familier) Terme utilisé dans le domaine minier québécois qui signifie une explosion par dynamitage.
Puis, elle raconte comment la narratrice a vécu cette onde de choc à la mort de son père alors qu’elle avait seulement neuf ans. La violente explosion, c’est la mort par suicide de son père. Comment est-ce qu’on continue à vivre son enfance lorsque son père s’enlève la vie ? Pire, quand l’entourage, la famille, ce qui en reste, vit dans le déni, dans une apparente indifférence ?
L’autrice a réussi à aborder un sujet brutal avec brio. Ce livre est une perle pour mieux comprendre la façon dont le deuil non vécu peut se répercuter à l’adolescence, comment l’adolescente tend à camoufler sa détresse. D’Anjou entrecoupe le récit avec des poèmes, des chansons, des mots courts qui parlent pour eux-mêmes. Une réussite sur toute la ligne.
- Autrice: Véronique D’Anjou
- Maison d’édition: Leméac Jeunesse
- Parution: 14 février 2024
- Nombre de pages: 96
L’éveil du printemps
Réécriture d’un roman datant de 1891 qui parle de l’hypocrisie de son milieu, David Paquet a fait de l’éveil du printemps une magnifique et dérangeante pièce de théâtre jeunesse où cinq jeunes adolescent.e.s veulent découvrir ou partager leur plaisir sexuel mais où les adultes, eux, préfèreraient faire comme s’il n’existait pas.
MORITZ. Je ferme l’ordinateur. J’avais tout vu et je m’étais reconnu dans rien. Si la sexualité humaine est un continent, moi, je suis perdu en pleine mer.
– p. 55
On suit alors Motitz, Wendla, Otto, Melchior, Martha et Isle dans la découverte de leur corps, de leur affection, de leur orientation ainsi que leurs relations avec les différents adultes qui les entourent : ceux qui souhaitent juste ne pas en parler, ne pas le voir, ceux qui jugent, ceux qui tentent d’être à l’écoute, mais trop tard.
PERE de MORITZ. Moritz… C’est… Je… Moi… Ce que… Voyons, tabar… Je t’ai appris à parler, pis je sais pas quoi te dire… (Temps.) Quand t’étais jeune, tu pointais le ciel en disant: “Regarde, papa! Une erreur boréale.” Je te corrigeais pas. Je me disais: “Y a pas plus belle erreur qu’une erreur boréale.” En vieillissant, j’ai commencé à avoir peur que tu fasses rire de toi. Ou que tes profs pensent que je t’avais rien appris. Un jour, je t’ai dit: “Aurore, Moritz. On dit aurore boréale.” T’as répondu: “Non, papa. C’est une erreur parce que la nuit oublie d’être noire.” PIs moi…je t’ai chicané. J’ai dit: “Va dans ta chambre.” T’as commencé à dire aurore. Mais t’as arrêté de lever la tête pour les trouver belles. Je m’excuse d’avoir pris ta poésie, pis d’en avoir fait un problème. Je sais qu’un bon père, ça fait le contraire. Je vais essayer ça: être un bon père. Je sais pas si je vais réussir, mais je vais essayer.
– p. 67
Ce passage est un de mes préférés, je le trouve beau, bien qu’il arrive trop tard pour Moritz. L’éveil du printemps fait mal et fait du bien, je l’ai trouvé troublant, déstabilisant et au bout, magnifique. Selon moi, c’est exactement ce à quoi sert le théâtre: à déstabiliser et à éblouir. Je ne manquerai certainement pas d’assister à une représentation, en attendant allez lire ça.
- Auteur: David Paquet
- Maison d’édition : Leméac jeunesse
- Parution: janvier 2024
- Nombre de pages: 96