Le bal des absentes est un livre de transmission. Les autrices Julie Boulanger et Amélie Paquet, professeures de littérature au cégep, mettent en lumière des œuvres écrites par des femmes, pour contrebalancer l’autorité des hommes dans le domaine. Il n’est ainsi pas étonnant de lire dans les remerciements des autrices un mot pour leurs étudiant.e.s, puis pour leurs propres profs, qui les ont d’abord vues et ensuite écoutées, lues, inspirées. Elles s’inscrivent donc elles-mêmes comme des apprenties qui se sentent ensuite le devoir de léguer ce qui est trop souvent dissimulé : la parole des femmes.
En effet, il n’est pas inconnu que les femmes sont socialisées à se taire. Toutes petites, elles apprennent à ne pas prendre de place, à se montrer discrètes. Or, ce livre, nous montre par la multitude des textes de femmes présentés et commentés par les deux autrices, tout ce qui est aussi occulté de la littérature. Au fil des pages, on comprend qu’en réduisant les femmes au silence, même par simple omission, on vole leurs désirs. Ce ne sont pas seulement leurs réflexions et leurs émotions que l’on enterre ainsi, mais leurs voix, leurs cris. Boulanger et Paquet prennent donc leur revanche, en détournant la situation et en les faisant enfin triompher, en leur consacrant un livre entier.
Réduites au silence ou simplement oubliées des corpus d’enseignement littéraires, les œuvres écrites par les femmes y sont ici célébrées. On retrouve donc dans Le bal des absentes des textes qui nous introduisent à une vingtaine d’œuvres d’autrices aussi diverses et éloignées qu’Emily Dickinson, Gabrielle Roy, Simone de Beauvoir, Virginie Despentes ou Lydia Tchoukovskaïa, pour ne nommer qu’elles.
Nous partageons toutefois leur critique : si ce n’était de Chimamanda Ngozi Adichie, il n’y aurait aucune femme racisée dans le large corpus qu’elles proposent. Comment, comme profs, peut-on penser faire écho aux vies des étudiantes, prétendre à les autoriser à exister, lorsqu’une si large part d’elles sont encore une fois invisibilisées?
Dans tous les cas, nous ne pouvons que nous réjouir de la magnifique démarche entreprise par Le bal des absentes, dont nous espérons une suite avec impatience. C’est que ce livre ne forme pas seulement un essai listant tous les titres demeurés sur les tablettes, mais constitue une œuvre littéraire généreuse, où les autrices se mettent également à nu dans leur pratique. Boulanger et Paquet ne s’effacent pas derrière les œuvres. Bien au contraire, elles s’exposent, prennent la parole pour nous raconter à leur tour leurs expériences.
Ce faisant, elles montrent aussi leurs questionnements incessants et leurs vulnérabilités d’enseignantes. La prof de cégep en moi a frissonné à l’égard de certaines observations, certaines limitations que je reconnaissais aussi comme les miennes. Il ne nous reste qu’à les remercier d’avoir rendu possible ces rencontres : avec des femmes de lettres qu’elles admirent comme lectrices, avec leurs propres étudiant.e.s qu’elles respectent et enrichissent et avec elles-mêmes, indéniablement aussi autrices.
- Autrices : Julie Boulanger et Amélie Paquet
- Nombre de pages : 282 pages
- Date de parution : 2017
- Éditeur : La Mèche
- ISBN : 978-2-89707-045-8
- Provenance du livre : Reçu en cadeau
- Crédit photo : Caroline Dawson
Françoise Conea
16 août 2017 à 9:12 amJ’ai tellement aimé ce livre que j’ai contacté les autrices pour les féliciter. Elles m’ont confirmées qu’un deuxième tome est en cours d’écriture et qu’il mettra de l’avant des femmes racisées. C’est un excellent ouvrage à garder à portée de main pour de futures inspirations de lecture.
Claude Lamarche
16 août 2017 à 10:14 amJ’ai aimé aussi. La seule chose c’est qu’on dirait que ce fut la fin de leur blogue. Snif, snif!
Caroline Dawson
16 août 2017 à 4:17 pmQuel bonheur de savoir cela, Françoise! Et puis, c’est une critique qu’elles mêmes se font tant leur démarche est honnête et réflexive. Vraiment, un superbe livre!