Que je l’attendais, ce nouveau roman de Marie-Sissi Labrèche ! Et je n’ai pas été déçue, au contraire. Dans 225 milligrammes de moi, Labrèche aborde la santé mentale, mêlant sa propre histoire et fiction et…ça fait du bien. C’est abordé dans le style de l’autrice, sans détours, sans fioritures et c’est juste… beau. Ça réconforte. Je n’ai pu qu’acquiescer à chaque phrase. Pour une fois, quelqu’un qui raconte l’anxiété, la santé mentale avec des émotions en dents de scie et, surtout, qui prend la défense de ceux qui en souffrent :
Quand je regarde les autres, les « normaux » marcher droit, je me dis que c’est tellement injuste qu’on ne parte pas tous sur un pied d’égalité dans la vie et je leur en veux. […]
Je leur en veux aussi de ne pas comprendre mes humeurs en montagnes russes qui m’obligent à gober des pilules comme des Smarties afin d’être capable, juste capable, d’affronter le jour qui vient, de me tenir droit, de rentrer le ventre, de moucher mon nez, de dire bonjour à la dame. Mais, par-dessus tout, je leur en veux de m’asperger continuellement de leurs fabuleux conseils : Tu devrais faire de l’exercice, du pilates, du yoga, du hockey cosom, et méditer dans tes narines comme Emmanuel Carrère; tu devrais te coucher de bonne heure, tiens à 19 heures 20; tu devrais penser à des choses positives, regarder des vidéos de chatons; tu devrais te badigeonner d’huile essentielle pour glisser dans ton existence comme une sardine souriante coincée parmi tant d’autres; tu devrais marcher dans la nature et admirer les oiseaux qui chient comme des mitraillettes; tu devrais couper les produits laitiers, la viande, le gluten, manger de l’herbe qui pousse dans des champs bios comme les orignaux qui gambadent dans la forêt boréale avant d’être trucidés par des chasseurs imbibés de Molson Dry. Sans oublier leur pire conseil : Arrête de t’inquiéter pour rien. Quand j’entends ça, j’ai envie de crier : Si l’homme préhistorique s’était pas inquiété, aujourd’hui c’est les mammouths qui conduiraient les camions ! Fait qu’allez chier, câlice ! »
Je ne peux que remercier l’autrice de nous avoir offert ce roman qui se lit d’une traite et qui vient à point dans une pandémie qui n’a fait qu’exacerber nos difficultés à juste « fonctionner » en société. J’ai aussi tellement apprécié que l’autrice s’ouvre sur l’inquiétude et tout ce qu’on essaie de faire pour ne pas léguer cette angoisse à nos enfants, qui nous observent, qui nous imitent, qui épongent toutes nos émotions disparates, nos écorchures bien qu’on essaie de les épargner, de ne surtout pas leur transmettre cette faille, cette brèche qui fait pourtant bien partie de nous.
- Autrice : Marie-Sissi Labrèche
- Maison d’édition : Leméac
- Parution : 2021
- Nombre de pages : 115
Crédit photo : Valérie Ouellet