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Le syndrome de la vis

Un peu comme Duras ou Ducharme, l’écriture de Marie-Renée Lavoie se reconnaît au premier paragraphe. Cette écrivaine possède une signature unique et émouvante qui ne trompe pas.   

Ayant d’abord lu La petite fille et le vieux, j’ai retrouvé dans Le syndrome de la vis, le regard aiguisé qu’elle pose sur l’humain. 

Dans ce roman, c’est par les yeux de Josée Gingras – prof de littérature insomniaque – que nous découvrons les petites et grandes misères d’une poignée de personnages habitant son immeuble. À défaut de dormir, Josée scrute les moindres soubresauts de ses voisins. C’est ainsi qu’elle noue connaissance avec Joseph, jeune garçon qui se lève aux aurores pour livrer des journaux, et tombe sous le charme de Marco, son père. Elle se plaît aussi à écouter Margot, figure invisible de l’immeuble, qui joue du piano. Mais son univers ne s’arrête pas là. Il gravite autour de son frère et sa ribambelle d’enfants, de son conjoint, si distant, et de ses étudiants qui, chaque année, lui ramènent les mêmes excuses pour justifier des travaux inachevés.  Enfin lorsque vient la nuit, elle retrouve aussi son père décédé, et s’égrenne les souvenirs qui les lient tout en tentant de faire durer leur complicité au-delà de la mort.   

Voilà donc un roman fort qui m’a interpellée. À une époque où les réseaux sociaux sont devenus l’écran de notre quotidien, Le syndrome de la vis apparaît comme un tableau tellement plus fort et riche de nos vies que je ne peux que vous le recommander.   

Pour vous donner une idée de l’univers de Marie-Renée Lavoie, voici le portrait qu’elle fait d’une locataire de l’immeuble où habite Josée. 

Sur le divan, les chairs de Mme Nadeau se sont répandues jusqu’à occuper tout l’espace, moulant parfaitement les formes rebondies du meuble. Pas qu’elle soit énorme, Mme Nadeau, seulement d’une autre texture, comme les femmes de son âge. Ça ne m’étonnerait pas qu’on ait le même poids, d’ailleurs. Elle a gardé ses lunettes, ouvert la bouche et replié ses bras sur son corps pour le retenir un peu. Dans toute sa disgrâce physique, elle exécute l’un des plus beaux tours d’adresse de l’Homme, l’abandon total.   

– p. 66
  • Autrice : Marie-Renée Lavoie 
  • Maison d’édition : XYZ 
  • Nombre de pages : 210 
  • Date de parution : 2012 

Crédit photo: Vicki Milot  

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