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La remontée

La remontée

On dit qu’une naissance annonce souvent une mort. Il n’est donc pas malséant de voir en ce deuxième roman de Maude Nepveu-Villeneuve (Partir de rien, 2011) un récit qui entrelace les réflexions qu’entraîne une nouvelle maternité à apprivoiser et les difficiles étapes du deuil d’une vie qu’on laisse derrière soi. Dans La remontée, on se retrouve assurément devant une mort : celle de Clarisse avant la naissance de son propre enfant. La protagoniste principale se questionnera tout au long des pages : comment concilier la vie de cette femme qu’elle était, artiste et amante, avec son rôle de mère monoparentale, esseulée et submergée qu’elle a embrassé en devenant maman?

Clarisse recevra un appel qui la tirera de sa torpeur. Son ancien amant David a disparu. Même sans nouvelles de lui depuis des années, elle fera le trajet vers un minuscule village du Bas-du-Fleuve pour le retrouver, malgré sa fille et son emploi dans une galerie, qui demeureront à Montréal. À travers cette quête, elle reviendra sans cesse vers cette époque où elle était peintre, n’avait pas encore d’enfant, mais tout son temps pour créer. Ce faisant, à travers le fantôme de David, elle tentera petit à petit de se retrouver et d’apprivoiser ses propres démons.

Même si, à mesure que Lavinia vieillissait, elle avait retrouvé un peu de temps et de liberté, elle n’avait jamais repris l’habitude des croquis, elle n’avait pas cherché de nouveaux contrats d’illustration, et les nouvelles idées n’avaient toujours pas recommencé à jaillir dans sa tête, qui lui semblait aussi vide qu’un bocal. En fait, depuis la naissance de Lavinia, et même depuis les derniers mois de sa grossesse, elle n’avait rien peint du tout, ni même rien dessiné, sauf peut-être des animaux au crayon de cire pour faire plaisir à sa fille, au point où elle se demandait parfois si c’était encore quelque chose qu’elle savait faire (p. 54).

Il est vrai que depuis quelques années, plusieurs romans écrits par des femmes ont abordé les questions du délicat équilibre entre maternité et liberté (Un enfant à ma porte de Ying Chen ou Les maisons de Fanny Britt, Un heureux événement d’Eliette Abécassis, pour ne nommer que ceux-là), mais souvent de façon superficielle ou assez caricaturale. Or, ici, l’autrice n’hésite pas à aller au fond des zones les plus sombres qu’amène la naissance d’un premier enfant, nous entrainant dans des questionnements perturbants, mais nécessaires. Avec doigté et une grande délicatesse, Maude Nepveu-Villeneuve, nous confronte ainsi à des pans souvent innommés de la maternité : l’appel de la fuite, les remords, le désir d’abandon et surtout, la solitude infinie qu’entraîne la culpabilité.

Les Éditions de Ta Mère nous offrent ici un roman sobre, lent et sans artifices, mais qui nous pose crument devant des tourments déchirants et immenses comme le fleuve.

 

  • Autrice : Maude Nepveu-Villeneuve
  • Nombre de pages : 187 pages
  • Date de parution : 2015
  • Éditeur : Les Éditions de Ta Mère
  • ISBN : 978-2-923553-79-5
  • Provenance du livre : Acheté au Salon du Livre de Montréal

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