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Il fallait se défendre 

Maxime Aurélien, chef du premier gang de rue haïtien s’allie au sociologue Ted Rutland pour raconter comment s’est formé le gang des Bélanger dans les années 80 à Montréal. Le livre est divisé, un peu, selon la vie de Maxime Aurélien, né à Haïti, puis déménagé très tôt à Montréal, puis à New York, puis à Montréal encore. Sous forme d’entretiens et de mémoires, il nous explique la culture haïtienne, la diaspora qui s’était formée dans le quartier Saint-Michel, dans la maison de ses parents et au parc Bélanger où, avec ses amis, ils jouaient au soccer. Ils formaient alors un groupe de jeunes, mais un groupe de jeunes qui attiraient déjà l’attention des forces policières. Pourquoi ? Il est difficile de le savoir réellement. On peut supposer le racisme qui était très répandu à l’époque, les rassemblements qui viraient à la fête aussi.  

Maxime Aurélien témoigne avoir été victime de racisme toute sa vie à Montréal, mais encore plus dans ses jeunes années, à l’école, dans le métro, dans la rue, dans les bars, dès qu’il était dans un autre quartier. Ses amis l’étaient tout autant, ils ont alors décidé de se défendre. Ils ont alors uni leurs forces pour battre violemment la première personne qui les insultait peu importe le lieu où ils étaient. Ils se sont alors bâti peu à peu une réputation de durs à cuire et le racisme a diminué. Ils ont réussi à prendre leur place dans la ville. 

Tout au long du livre, Maxime Aurélien se défend d’être un criminel, oui, il a commis certains crimes, des vols, de la fraude, mais c’était surtout pour payer le loyer puisque trouver un emploi légal était presqu’impossible à l’époque. Les employeurs n’employaient pas de Noirs ou très peu. Aussi, les crimes n’étaient pas l’objectif du groupe d’amis, mais bien de se défendre contre les racistes. Avec leurs réussites, d’autres Haïtiens se sont regroupés et ils ont formé d’autres gangs. Il y a parfois eu des affrontements entre les différents groupes, mais il s’agissait souvent d’histoires de filles. L’auteur aborde toutefois le destin et les objectifs différents de Ducarme qui, lui, souhaitait faire des affaires avec la mafia montréalaise et faire sa place sur le marché des stupéfiants et du proxénétisme. Il est mort assassiné en 2010.  

J’ai beaucoup apprécié cet essai qui nous montre un autre angle des gangs de rue de Montréal. On en entend souvent parler, sans jamais connaître les raisons qui les ont menés à se former, surtout à l’époque. Il y avait certainement un contexte de racisme bien plus élevé au moment où Maxime Aurélien et sa famille se sont établis à Montréal, dans la population en général et dans les forces policières. Le racisme n’est certes pas disparu, pas plus à Montréal qu’ailleurs, mais j’ose espérer que la situation est un peu meilleure. Est-ce que les nouveaux gangs de rue ont maintenant des objectifs différents du gang des Bélanger ? Nous ne le saurons probablement jamais, mais cet essai reste très intéressant et éclairant. Je pense qu’il est toujours positif d’avoir la vision de différentes personnes sur une situation et celle des auteurs est tout à fait pertinente. Je recommande cet ouvrage à quiconque souhaite découvrir comment les différents gangs de rue haïtiens se sont formés à Montréal dans les années 80. 

  • Auteurs: Maxime Aurélien et Ted Rutland 
  • Maison d’édition: Mémoire d’encrier 
  • Parution: 24 avril 2023 
  • Nombre de pages: 263 

Crédit photo: Valérie Ouellet 

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