Faut vraiment que tout le monde lise du Tremblay, les gens nous jugeraient moins. Faudrait que tous les pauvres puissent lire du Tremblay gratuitement, pis que les riches en achètent. Faudrait que le Gouvernement du Lisage rende ça obligatoire et déductible d’impôts.
– p. 56
Dans Burgundy, paru aux éditions La Mèche en août 2020, Mélanie Michaud revisite son enfance entre le populaire quartier Burgundy et la banlieue clean de Saint-Catherine. Entre 1980 et 1990, l’enfance est à la fois drôle et grinçante, violente et amère. La jeune Mélanie, issue d’une famille pauvre, est consciente des inégalités sociales qui l’entourent et se rebelle, rêvant d’échapper à son quotidien… mais le poids familial qu’elle porte est difficile à dépasser. Entre la violence des uns, le manque d’amour des autres, les moqueries des enfants et l’envie de devenir différente sans toutefois se renier, Mélanie galère à trouver sa place, sans autre soutien que son regard acerbe sur la vie.
Être normal ou avoir l’air de l’être, c’est quelque chose d’assez rassurant. Ça donne des repères et sécurise. Tous les parents souhaitent un enfant en santé, c’est-à-dire : normal. Et tous les enfants souhaitent l’être et veulent aussi des parents normaux. Mais dans le cas contraire, ils ne peuvent pas placer leurs parents, eux autres. Une chance, les asiles déborderaient.
– p. 164
Roman lucide, franc et drôle, Burgundy se dévore : images fortes, expressions populaires et punchs surprenants se succèdent pour notre plus grand plaisir. Michaud dénonce avec subtilité les incohérences de notre système, la pauvreté intellectuelle qui menace les enfants et s’hérite de génération en génération et l’espoir si légitime de s’en sortir sans perdre ses racines. J’ai particulièrement apprécié le ton du roman qui donne au récit une impression d’honnêteté à la fois touchante et troublante. La justesse de la langue donne l’impression d’assister à toutes les scènes, de visualiser le quartier dans lequel Mélanie a grandi… j’ai véritablement eu l’impression d’écouter une amie me parler de son enfance.
Je n’avais pas le droit de jouer quand il écoutait une émission, pas le droit de parler fort ou de chanter quand il dormait et pas le droit d’exister quand il buvait. Et lui, il a eu le droit d’avoir des enfants.
– p. 178
Burgundy est le premier roman de Mélanie Michaud, une auteure aux multiples talents, également technicienne, scénariste, humoriste et comédienne. J’espère que ce n’est pas le dernier.
- Autrice : Mélanie Michaud
- Nombre de pages : 198
- Éditeur : La Mèche
- Date de publication : Août 2020
- Crédit photo : Annick Lavogiez