Dans Au nord de ma mémoire, Mattia Scarpulla explore diverses thématiques en lien avec l’immigration, l’exil, les souffrances et miracles du corps et de l’esprit. Dans un langage poétique exempt de toute ponctuation et sous le coup d’un rythme franc, il écrit les résistances, la violence, l’amour, la lenteur et la précipitation des destins individuels et collectifs. Et au coeur de toutes les histoires, des pertes, physiques ou émotives.
on vole un Oka au supermaché absurdement trop cher on le coupe en quinze morceaux on en mange un par jour à chaque dégustation on désire écrire un poème de cinquante mots le rêve socio-économique d’acheter sans souci du fromage pourtant notre aspiration est distraite par le rappel d’une question comment presser l’histoire les littératures l’exil et en receuillir le jus essentiel
– p. 18
Le livre est découpé en cinq parties : Résistances, Autoportraits, Non-lieu, Le baiser oublié, Notes. J’ai particulièrement aimé la première partie, pour ce qu’elle mêle de destinées marquées par la musique et l’immigration. Entre poésie et revendications, on y découvre le quotidien fragmenté de ceux qui vivent la violence de leurs pays d’origine et d’accueil. S’en suivent notamment des paroles réflexives sur la police, les frontières, que j’ai beaucoup aimé.
quand j’ai de la chance
– p. 54.
un escargot dort sur la géographie de mon coeur
des crapauds me chantent une sérénade
je n’ai plus besoin de reconnaître un pays
je n’affirme plus mon passé
adieu passé adieu avenir
Peut-être parce que j’ai tant aimé la première partie, j’ai moins été chamboulée par le reste du livre, pourtant de qualité littéraire certaine. Sans doute que j’aurais gagné à le lire plus doucement, chaque partie séparément ? Je recommande du coup une lecture lente, étalée, prompte aux pauses et aux répétitions, pour savourer chaque partie comme il se doit.
les étrangers nous fascinent
– p. 74.
on s’interroge sur la nature de leur diversité
leurs gestes sont-ils matière ou illusion
être de passage
disparaissent sans le regard de qui regarde
à l’improviste on se retrouve à l’aéroport
nos corps transformés en passeports
on ne précipite face au miroir on ne voit que l’étranger de nous-mêmes
on se rend compte qu’il n’a plus de lieu
pccupé par d’autres être nous regardant
- Autrice : Mattia Scarpulla
- Maison d’édition : Annika Parance Éditeur
- Date de parution : 25 mai 2021
- Nombre de pages : 138
Crédit photo : Annick Lavogiez