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Un bien nécessaire – Éloge de la traduction littéraire

Être interprète ou traductrice, c’est travailler contre la division, la perte, la destruction.
– p. 34 

Nous avons tous déjà entendu l’expression: un mal nécessaire. Malheureusement, celle-ci est souvent dite lorsqu’on parle de traduction. Cet art serait un moindre mal, une déformation, une trahison de l’œuvre originale, presqu’impossible à réussir. Dans cet essai, Lori Saint-Martin prêche à dire le contraire, la traduction c’est l’ouverture:  

On parle trop, en traduction, de ce qui se perd, et pas assez de ce qui se gagne. 
Pas assez de ce qui se cherche, de ce qui se trouve. 
Pas assez de ce qui se créée. 
Ce qui se gagne, c’est la littérature du monde entier.

– p. 37

Et elle a raison. Combien de personnes n’auraient jamais pu connaître les plus beaux textes, des textes qui ont changé une vie, une autre perspective, sans la traduction ? Pour ma part, une des premières traductions « adulte » que j’ai lue est Le vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway. Ce livre reste ancré en moi, mais je n’aurais pas eu les capacités à l’âge où je l’ai lu pour lire et comprendre l’original. Cette traductrice (elles sont majoritairement féminines) dont j’ignore le nom (c’est un autre problème) m’a ouvert à un classique qui a été et qui reste important pour moi. Il ne s’agit que d’un exemple, mais il en existe des milliers. C’est dommage que comme dans tout, c’est le contre-exemple qui laisse une trace, on se souvient tous d’une mauvaise traduction lue, mais peu ou jamais des traductions qui coulent comme de l’eau. Les traductrices font un travail exceptionnel et doivent souvent le faire en peu de temps. Elles devraient avoir davantage de reconnaissance aussi. C’est un autre point abordé par Saint-Martin. Comment se fait-il que le nom de la traductrice soit rarement sur la couverture, mais plutôt caché à l’intérieur des premières pages ? Que les auteur.ice.s. primé.e.s à l’étranger ne reconnaissent pas ou très peu, qu’iels le sont grâce au travail des traductrices ?  

La traduction est un travail ardu, un art en soi. Quiconque a déjà tenté de traduire un document pour des collègues ou ne serait-ce qu’une conversation le sait. Choisir le bon mot, la bonne expression qui rendra vraiment l’essence de ce que l’auteur.ice a voulu exprimer est loin d’être facile. 

En effet, la traduction, comme tous les arts, est inséparable de rapports de force sociaux, économiques et culturels plus vastes. La France est une grande puissance; le Québec, ancienne colonie avec une population et, par conséquent, un lectorat, moindres, a un poids plus faible. Et parce que la littérature française est très présente au Québec tandis que l’inverse est moins vrai, la variante hexagonale, voire parisienne, du français tend à s’imposer.

– p. 176

J’ai dévoré cet essai qui s’adresse à quiconque aime la littérature, la langue, la complexité de celles-ci aussi. Lori Saint-Marie aborde plusieurs pans de la traduction et c’est fascinant, important. Pour ma part, je m’engage à toujours nommer la traductrice des ouvrages recensés parce qu’il est grand temps que cette profession soit reconnue à sa juste valeur qui est immense. 

  • Autrice: Lori Saint-Martin 
  • Maison d’éditions: Boréal 
  • Parution: 2022 
  • Nombre de pages: 293 

Crédit photo: Valérie Ouellet 

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