Un petit goût de ciel et d’éternité sont les mots exacts qui me sont venus pour décrire le roman joliment intitulé En attendant Bojangles alors que les derniers mots lus s’envolaient. Olivier Bourdeaut était bien loin de se douter que son premier roman allait créer un tel engouement tant chez la critique que chez les lecteurs. Paru en janvier 2016, il a récolté, pour cette même année seulement, quatre prix prestigieux. C’est un euphémisme de souligner que son second roman est attendu avec impatience.
Les premiers romans ont souvent la qualité de leurs défauts : ils sont créatifs et ambitieux, mais souvent touffus et malhabiles. Il arrive parfois que leurs auteurs les répudient. En attendant Bojangles est une belle exception dans l’univers des premiers opus tant l’écriture y est fine, les images fortes et l’histoire riche de sa simplicité. Cette histoire met en scène une famille très singulière où l’extravagance de la mère ponctue le quotidien de tous : le père amoureux fou de sa femme qui, tous les matins, la prénomme différemment, le narrateur, petit garçon émerveillé par tout cet amour qui lie ses parents, et la mère qui aime danser toute la nuit sur la même chanson de Nina Simone, Mr Bojangles. C’est surtout l’histoire de cette femme qui choisit une vie différente, à contre-courant :
D’elle, mon père disait qu’elle tutoyait les étoiles, ce qui me semblait étrange, car elle vouvoyait tout le monde, y compris moi. (p.20)
Elle ne me traitait ni en adulte, ni en enfant mais plutôt comme un personnage de roman. Un roman qu’elle aimait beaucoup et tendrement et dans lequel elle se plongeait à tout instant. (p.22)
Si un jour ma fille m’évoque en ces termes, je saurai que j’aurai réussi quelque chose.
Durant ma lecture, j’ai été ce petit garçon sous le charme de cette femme. Ils sont littéralement magnifiques les personnages construits par Bourdeaut. Ils sont bien sûr plus grands que nature, mais surtout dotés d’une très grande humanité, ce qui fait plutôt défaut dans la littérature populaire actuelle, où les personnages fêlés sont à l’avant-plan. L’écriture de Bourdeaut est simple, sans fioriture, mais intelligente, car elle sait exactement où se trouve le cœur des lecteurs.
Ce roman s’adresse à tous ceux qui ont envie de déguster une histoire enveloppante, très touchante sans trop de sucre à glacer. Elle est encore meilleure accompagnée d’un verre de bulle et des notes de Mr Bojangles de Nina Simone.
- Auteur : Olivier Bourdeaut
- Nombre de pages : 172
- Date de parution : janvier 2016
- Éditeur : Gallimard
- Provenance du livre : Librairie de Verdun
Crédit photo : Karine Villeneuve